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#3 N'oublions pas : la guerre au Soudan

Le 24 Avril 2023

Par Charlotte Grimont

Après avoir publié 9 billets sur le conflit armé en Ukraine (billet 1 (27 février 2022) ; billet 2 (4 mars 2022) ; billet 3 (8 mars 2022) ; billet 4 (15 mars 2022) ; billet 5 (24 mars 2022) ; billet 6 (1er avril 2022) ; billet 7 (12 avril 2022) ; billet 8 (21 avril 2022) ; billet 9 (12 juillet 2022)), le groupe de recherche Osons le DIH ! se lance dans une nouvelle série de diffusion du droit international humanitaire (ci-après DIH) portant sur « les conflits oubliés ». L’objectif de cette série est de rappeler que malgré l’espace médiatique occupé par le conflit ukrainien, d’autres conflits aux conséquences tout aussi dévastatrices continuent de faire rage dans le monde, mais passent sous le radar du grand public. Le droit de la guerre ne fait pas de hiérarchie entre les conflits, et il est important de rappeler son application et de diffuser ses règles pour toutes les situations de conflit armé, sans considération de leurs situations géographiques, des parties impliquées, ou des contextes politiques.

Le troisième billet de cette série porte sur le Soudan.

Après des mois d’escalade et dans un contexte de négociations d’un processus de transition démocratique avec les organisations de la société civile, les tensions entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR) ont éclaté au Soudan le 15 avril 2023.

À la chute du dictateur Al-Bashir, en avril 2019, les FSR, dirigées par le Général Dagalo, dit Hemetti s’imposent comme un acteur incontournable. En août 2019, le Général Al-Bourhane, à la tête des FAS et le Général Dagalo deviennent respectivement Président et Vice-Président du Conseil de souveraineté, organe principal du pouvoir transitionnel. En octobre 2021, les FAS et les FSR mènent un coup d’Etat qui met fin à l’accord de transition en vigueur. En décembre 2022, de nombreux efforts aboutissent à la conclusion d’un accord cadre entre les FAS, les FSR et les principaux partis civils. S’engage alors une négociation sur les détails de l’accord final de transition. À l’approche de la signature de l’accord final, repoussée en raison du refus des FSR d’intégrer les FAS selon les conditions proposées, un conflit armé débute le 15 avril 2023.

Ce billet propose une qualification juridique du conflit au Soudan. Il aborde ensuite les défis posés par la guerre en milieu urbain, évoque le droit d’initiative humanitaire et définit le statut des soldats égyptiens détenus par les FSR.

Comme à l’accoutumée, il est possible de vous rendre à la thématique de votre choix à travers les liens suivants :

I-La qualification du conflit

Le conflit qui a débuté le 15 avril 2023 peut être qualifié de conflit armé non international. Les critères d’intensité et d’organisation, nécessaires pour qualifier un conflit armé de non international, ont été établis par la doctrine et repris par la jurisprudence des juridictions internationales pénales, dont en particulier le Tribunal Pénal pour l’ex-Yougoslavie dans l’affaire Tadic (au para 70).

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Les interventions des forces de l'ordre dans le cadre des manifestations en France : que dit le droit international?

Le 17 Avril 2023

Par Mathilde Doucet, Thomas Roos, Florian Manuch

Crédit photo : Ludovic Marin/AFP (SudOuest.fr)

Ce billet n’a pas pour vocation de s’immiscer dans la politique interne de la France, il ne sera donc pas question ici de la légitimité de la réforme des retraites ou de l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution française. Ce sont leurs conséquences qui seront étudiées, à savoir les manifestations et leurs répressions par les forces de l’ordre en France, qui génèrent de profondes inquiétudes au sein de la communauté internationale, comme en témoignent les rapports d’Amnesty International, mais aussi les déclarations du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique, de membres du Conseil de l’Europe, ou de porte-paroles de la Maison blanche qui tiennent à rappeler à la France le droit de manifester pacifiquement.

Même un État tel que l’Iran, pourtant critiqué sur la façon dont ses forces de sécurité ont réprimé de façon sanglante des manifestations en automne dernier, s’est ému de l’usage excessif de la force et des cas de détentions arbitraires pendant les manifestations contre la réforme des retraites.

En réponse à cette actualité, ce billet propose donc une analyse juridique des principaux droits qui sont mis en danger dans le cadre de la répression des manifestations en France, lus à la lumière de faits spécifiques sélectionnés par une équipe de spécialistes en droit international aux profils variés.

I- L’usage excessif de la force par la police en France: mise au point sur la qualification juridique

            Dans un premier temps, une clarification s’impose. Les manifestations en France et leurs répressions ne relèvent pas du droit international humanitaire (DIH), aussi connu sous le nom de droit de la guerre. En effet, pour que le DIH s’applique, il faut au préalable déterminer l’existence d’un conflit armé. Il existe deux types de conflits armés : les conflits armés internationaux, opposants deux ou plusieurs États entre eux, et les conflits armés non internationaux (CANI), opposant un ou plusieurs États à un ou plusieurs groupes armés, ou ces groupes armés entre eux. Pour déterminer l’existence d’un CANI, il faut donc déterminer l’existence d’un ou plusieurs groupes armés. Or, les rassemblements de personnes opposées à la réforme des retraites ne répondent pas aux deux conditions posées par l’arrêt Tadić (au para 70) pour être qualifiable de groupe armé non étatique : 1) disposer d’une organisation suffisante ; et 2) participer à des violences intenses. La situation en France correspond donc dans le pire des cas à des troubles et tensions internes, et non à un conflit armé entre un État (la France) et un groupe armé (celles et ceux qui s’opposent à la réforme des retraites). Le commentaire de l’article 1 du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève inclut notamment dans la catégorie des troubles et tensions et internes, qui sont donc de nature à exclure l’application du DIH, les « émeutes, telles des manifestations n'ayant pas d'emblée de dessein concerté ».

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Présentation du travail de recherche d’Alexandra Magaloff : Les migrants climatiques et l’élévation du niveau de la mer, une meilleure protection par le droit international des droits humains

Le 6 Janvier 2023

Par Alexandra Magaloff

Présentation du travail de recherche d’Alexandra Magaloff : Les migrants climatiques et l’élévation du niveau de la mer, une meilleure protection par le droit international des droits humains

Les enjeux que posent les changements climatiques représentent l’un des plus grands défis de notre temps, en particulier pour plusieurs États insulaires qui font face à d’importantes dégradations environnementales. En 2020, 12,1 millions de personnes ont été déplacées au sein de l’Asie-Pacifique, région du monde la plus sujette aux risques naturels. Les changements climatiques augmentent les risques de catastrophe comme les inondations, les sécheresses, les tempêtes et l’élévation du niveau de la mer, ce qui engendre des déplacements importants de population. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a par ailleurs affirmé que les effets des changements climatiques persisteront pendant de nombreux siècles, et ce même si les émissions de gaz à effet de serre venaient à diminuer.

Cette note de blogue offre une synthèse du travail de recherche (essai) effectué par Alexandra Magaloff dans le cadre de sa maîtrise à la faculté de droit de l’Université Laval, sous la direction de Julia Grignon. Cet essai se concentre sur les migrants dans les États insulaires d’Asie-Pacifique, premiers confrontés à la montée des eaux induite par les changements climatiques.

À l’heure actuelle, il n’existe aucun régime de protection spécifique en droit international pour ces migrants climatiques[1] qui doivent chercher refuge au sein d’États tiers. Cette recherche vise à démontrer que les domaines du droit international actuellement en mesure d’offrir une protection à ces migrants climatiques, notamment le droit international des réfugiés, restent insuffisants. Des pistes de solutions sont explorées afin de développer un régime de protection plus complet pour ces migrants climatiques, notamment en droits humains ainsi qu’en droit relatif aux changements climatiques.

Tout d’abord, cet essai analyse les nouvelles constatations du Comité des droits de l’homme des Nations Unies (le Comité) qui sont venues éclairer le débat juridique en janvier 2020 et dans lesquelles le Comité offre une interprétation du droit à la vie inédite en se réappropriant la notion de non-refoulement. Selon le Comité, les personnes fuyant les effets des changements climatiques ne devraient pas être renvoyées dans leur pays d’origine si leurs droits humains s’en trouvaient menacés.

Cette récente interprétation amène à se poser la question suivante : dans quelle mesure les outils juridiques des différentes branches du droit international destinées à la protection des personnes (droit international des droits humains, droit international des réfugiés, droit relatif aux changements climatiques…) peuvent-ils contribuer à offrir une protection aux migrants climatiques qui font face à la montée des eaux sur leur territoire ?

Pour répondre à cette interrogation, il convient de répondre à deux sous-questions que nous exposons ci-après.

1-Quelles sont les mesures déjà mises en place actuellement et à quels obstacles font-elles face ?

La première section de cet essai s’intéresse au contexte actuel qui conduit à des violations des droits des migrants climatiques en Asie-Pacifique. Pour répondre à cette première sous-question, nous posons l’hypothèse suivante : les protections offertes par le droit international des réfugiés sont insuffisantes et présentent de nombreux inconvénients.

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La désillusion des droits de la défense à l’Assemblée des États Parties: réflexions sur l’évènement « The Trials at the ICC – How long is Too Long? »

Le 21 Décembre 2022

Par Cloé Dubuc

Alors que le respect des droits des accusés.es est fondamental à la conduite d’un procès équitable et au fonctionnement même d’une juridiction, ces droits sont trop souvent relégués au second plan de la justice internationale pénale. La 21e session de l’Assemblée des États Parties (AEP) de la Cour pénale internationale n’a pas échappé à la règle. Les garants.es des droits de la défense étaient même défendus.es d’y entrer! Ce billet apporte quelques réflexions sur un des évènements parallèles tenu lors de l’AEP dont le sujet portait sur la longueur des procédures à la Cour pénale internationale. Rédigé sous le prisme des droits de la défense, ce billet propose une réflexion sur le droit à la célérité des procédures et la conflictualité des droits des accusés.es

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Entre les mains de l'ennemi! Le traitement des prisonniers de guerre et le rôle du CICR

Le 7 Novembre 2022

Par Thomas Roos


Ce billet est la version française du « Highlight » publié simultanément par le Comité international de la Croix-Rouge et dont la version originale se trouve ici, il n’est pas le fruit du travail de la personne mentionnée qui en est le traducteur.


Comment les combattants doivent-ils être traités une fois qu’ils se retrouvent aux mains de l’ennemi? Comment leur « privilège de belligérance » et leur immunité prennent-ils forme lors de leur captivité ? Quels motifs peuvent justifier leur détention en tant que prisonniers de guerre (PGs) et combien de temps cette captivité peut-elle durer? Peuvent-ils être poursuivis pour avoir participé directement aux hostilités? Quel est le rôle du CICR dans la protection et l’assistance aux PGs ? Qu’est-ce qu’un « Bureau national de renseignement (BNR) » et quel est son rôle vis-à-vis des PGs ? Toutes ces questions font référence à un régime de protection fondamental en droit international humanitaire (DIH) : la protection des PGs, que ce « Coup de projecteur » cherche à explorer, dans la continuité du précédent, qui portait sur les Combattants et prisonniers de guerre.

Privilège de belligérance et immunité

Dans les conflits armés internationaux (CAIs), les membres des forces armées d’une Partie au conflit qui ne sont pas des membres du personnel sanitaire et religieux sont considérés comme des combattants (article 43(2), PA I). En conséquence, la prérogative la plus importante attachée au statut de combattant est le « privilège de belligérance », qui leur accorde « le droit de participer directement aux hostilités ». Un tel « droit » ne signifie en revanche pas que leurs ennemis sont sous une obligation corollaire de ne pas réagir à une telle participation aux hostilités et d’accepter d’être combattus sans répondre. Cela signifie simplement que, une fois que les combattants tombent aux mains de l’ennemi, ils doivent être considérés comme des PGs (article 4(A)(1)(2)(3), GC III) et qu’ils bénéficient d’une immunité pour leurs actions menées en conformité avec le DIH (« immunité de combattant », voir : « immunités », en anglais seulement). Il est important de préciser que même les combattants qui ont violé le DIH ont droit au statut de PG quand ils tombent aux mains de l’ennemi, à condition qu’ils remplissent les critères de l’article 4 de la CGIII ou de l’article 44(3) du PAI (quand ce dernier est applicable). Cependant, ils ne bénéficient pas d’une immunité de poursuites judiciaires pour les violations du DIH qui sont punissables en vertu du droit interne de l’État qui les a capturé (article 1 commun, CG I-IV, au regard du commentaire mis à jour, paras 183 et 214 ; article 49(1)(2), CGI ; article 50(1)(2), CG II ; article 129(1)(2), CG III ; article 146(1)(2), CG IV ; article 85(1), PA I) ou en vertu du droit international pénal.

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