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Le 10 Septembre 2024
Par Julia Grignon
Ce texte est une traduction du post de blog de Matiangai Sirleaf paru initialement en anglais sur le blog Just Security le 15 juillet 2024 : We Charge Genocide: Redux. Toute erreur ou omission dans la traduction est imputable à Julia Grignon qui l’a réalisée. Elle remercie Priyangaa Thivendrarajah pour les recherches qu’elle a effectuées en lien avec celle-ci.
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[N.B. Le titre original « We Charge Genocide: Redux » fait référence à La pétition "We Charge Genocide", soumise aux Nations Unies en 1951 par le Civil Rights Congress, qui accusait le gouvernement des États-Unis de génocide contre les Afro-Américains en se basant sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.]
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Introduction
La Palestine constitue un test décisif et, comme je l'ai écrit dans un article récent paru à l'International Journal of Transnational Justice, met en lumière « qui historiquement a été habilité à porter l'accusation de génocide, quels génocides ont été reconnus comme tels et quels génocides ont été oubliés ». Le discours technique et juridique foisonnent sur la question de savoir si des standards particuliers doivent être réunis pour constater des crimes internationaux. Or, une focalisation à l’extrême sur la labellisation peut dissimuler un statu quo incroyablement injuste, détourner l'attention de son caractère dominateur et potentiellement limiter d’autres manières de faire.
Le pouvoir rhétorique de nommer, et surtout de ne pas nommer, a toujours été exercé à l'encontre des groupes subordonnés. Parallèlement, de nombreux individus, groupes, organisations de la société civile et États s'engagent dans des actions de plaidoyer et s'appuient explicitement sur le pouvoir symbolique de nommer et de pointer du doigt les violations. Comme l'observe la juriste Natalie Hodgson, cela peut permettre à « la société civile de criminaliser sociologiquement l'État à partir de la base et de remettre en question les croyances hégémoniques qui permettent la criminalité d'État ». Nommer permet d'identifier et de reconnaître, de clarifier, de confirmer, d'affirmer et peut-être de valider. Je soutiens que « l'acte même de nommer a une fonction de condamnation expressive », qui « opère afin de stigmatiser un délinquant pour une violation et pour alerter le public sur une infraction ». Je maintiens que « les procédures et leurs résultats peuvent servir de formes de communication morale utilisées pour exprimer la condamnation, revalider la valeur d'une victime et renforcer la solidarité sociale ».
Cet article analyse certaines des déclarations les plus récentes des organismes internationaux sur la Palestine, afin de mettre en évidence ce qu'ils ont choisi de condamner en tant que violations des normes communes. Le pouvoir de dire, qui consiste à qualifier une situation donnée d'atrocité de masse de génocide ou non, de crime contre l'humanité ou non, et ainsi de suite, a une signification et des effets sociaux indépendamment de toute connotation juridique. Pourtant, le pouvoir a souvent résolu la question de savoir qui est habilité à définir et à invoquer ces accusations aux plans juridique, social et pratique. Dans ce contexte, les appels au renforcement du droit international, à l'État de droit et aux principes universels doivent tenir compte de la manière dont le droit est élaboré, de la manière dont il fonctionne dans la pratique et de la manière dont il est appliqué et mis en œuvre souvent de façon sélective à l'encontre de personnes racialisées.
La Commission d'enquête
Le 19 juin 2024, la Commission internationale indépendante des Nations unies chargée d’enquêter dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et Israël a présenté son rapport au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Le rapport présente les conclusions juridiques de la Commission.
Le 30 Janvier 2024
Par Thomas Roos
Ce billet est la version française du « Highlight » publié simultanément par le Comité international de la Croix-Rouge et dont la version originale se trouve ici, il n’est pas le fruit du travail de la personne mentionnée qui en est le traducteur.
Qu’est-ce que le ciblage signifie en droit international humanitaire (DIH) ? Comment le DIH limite qui et quoi peut être ciblé dans un conflit armé ? Quelles sont les règles en vertu desquelles certaines personnes et certains biens sont protégées contre les attaques directes, et quelles conditions doivent être remplies pour qu’une attaque soit licite ? L’objectif du droit international humanitaire est de garantir un minimum d’humanité en période de conflit armé en cherchant à réduire les souffrances causées à celles et ceux qui ne participent pas ou plus aux hostilités. Les règles relatives au ciblage sont primordiales dans cette optique, considérant qu’elles déterminent contre qui et selon quelles conditions la force armée peut être utilisée, même dans le feu des hostilités.
Définir le ciblage
Le ciblage peut être défini comme l’usage de la force par les parties belligérantes – qu’il s’agisse des forces armées d’un État ou de groupes armés organisés – contre des individus ou des biens qui ne sont pas sous leur contrôle. Le ciblage est réglementé en droit international humanitaire, plus spécifiquement par les règles régissant la conduite des hostilités qui définissent et limitent qui et quoi peut être ciblé, et sous quelles conditions.
Quand les règles relatives au ciblage s’appliquent-elles?
Pour évaluer la licéité d’une décision de ciblage, il convient de déterminer dans un premier temps si le DIH s’applique en l’espèce (voir qualification du conflit). Après avoir déterminé si le DIH est applicable ou non, il convient dans un second temps d’établir quelles règles de DIH s’appliquent aux faits de l’espèce, selon qu’il s’agisse de faits relevant de la conduite des hostilités (anciennement désignées comme le « Droit de La Haye ») ou du traitement des personnes au pouvoir d’une partie au conflit (anciennement désignées comme le « Droit de Genève »). Les règles relatives à la conduite des hostilités s’appliquent aux personnes ou aux biens qui ne sont pas aux mains de la partie attaquante. À l’inverse, les règles relatives au traitement des personnes s’appliquent uniquement à l’égard des individus au pouvoir d’une partie (tels que les internés, les prisonniers de guerre, les détenus, les blessés et les malades, les habitant-e-s de territoires occupés) et établissent que de telles personnes sont hors de combat et sont ainsi protégées des attaques en tout temps. En ce qui concerne les biens, malgré le fait qu’une partie à un conflit puisse attaquer les bâtiments qui représentent des objectifs militaires durant les hostilités, elle ne peut pas forcément détruire des biens similaires sur lesquels elle exerce un contrôle au sein d’une zone qu’elle occupe.
Les règles relatives au traitement des personnes au pouvoir d’une partie au conflit diffèrent de façon importante selon qu’il s’agisse d’un CAI ou d’un CANI, par exemple en ce qui concerne les détails qui sont fournis sur le traitement de certaines catégories de personnes. À l’inverse, la plupart des règles relatives à la conduite des hostilités s’appliquent au titre de droit international humanitaire coutumier à la fois dans les CAIs et les CANIs. La qualification du conflit peut cependant avoir un impact pour certaines règles protégeant des biens spécifiques, tels que ceux qui sont mentionnés dans le Protocole additionnel I auquel certains États ne sont toujours pas parties.
Le 12 Janvier 2024
Lors de son allocution du 30 octobre 2023 sur le conflit israélo-palestinien, le procureur de la Cour pénale international (CPI), Karim Khan déclarait :
« C’est dans des moments comme celui-ci, que nous avons, plus que jamais, besoin du droit. Pas du droit en termes abstraits, pas du droit en tant que théorie pour les universitaires, les avocats et les juges mais nous avons besoin de voir la justice à l’œuvre. […] Et ce droit, cette justice, doivent être au service des plus vulnérables. Ces notions devraient presque être palpables, telles une bouée à laquelle ils pourraient s’accrocher. C’est le rempart qui doit les protéger lorsqu’ils sont confrontés à tant de pertes, de douleurs et de souffrances. »
Pourtant, l’enquête de la CPI reste au point mort et le peuple palestinien semble être entré dans une période de désenchantement face à un abandon de la communauté internationale. Aujourd’hui et depuis l’ouverture d’une enquête en 2021, la justice à laquelle aspire le procureur n’a pas triomphé, en dépit de violations régulières du droit international.
D’un côté, on observe une volonté du procureur de s’impliquer dans le conflit. De l’autre, on constate qu’aucun mandat d’arrêt n’a été émis depuis l’ouverture des enquêtes. Dès lors, quel est le rôle historique de la CPI dans le conflit ? Quelle est sa compétence ? Et comment expliquer cette inaction ?
Dès la fin de la guerre de Gaza de 2008-2009, l’autorité palestinienne s’est tournée vers la CPI par une déclaration ad hoc qui reconnaît sa compétence (Article 12 du Statut de Rome). Cependant, en raison d’un long débat sur son statut étatique, la Palestine n’a eu la possibilité de rejoindre la CPI que trois ans plus tard, en 2012 (au moment où l’ONU lui a accordé le statut d’État observateur à l’Assemblée générale).
Le problème du statut d’État étant résolu, l’autorité palestinienne a, de nouveau, formulé une demande d’adhésion en 2014. Un an plus tard, le 1er avril 2015, la Palestine a officiellement été élevée au statut de membre de la CPI. Cette adhésion s’inscrit dans une nouvelle stratégie de l’autorité palestinienne qui repose sur le rôle des organisations internationales. Par ces institutions, la Palestine entend renforcer la reconnaissance et la légitimité de son État.
Pour rappel, la CPI a compétence pour enquêter et poursuivre des individus et non des États. C’est pourquoi, bien qu’Israël ne soit pas partie au Statut de Rome, l’adhésion de la Palestine à la CPI a ouvert la possibilité pour le peuple palestinien de poursuivre les crimes perpétrés sur son territoire, par l’armée israélienne. Dès lors, en 2015, la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a ouvert un examen préliminaire dans l’optique de futures enquêtes.
En 2019, la procureure a affirmé que la situation palestinienne répondait à tous les critères nécessaires pour ouvrir une enquête. Fatou Bensouda a également affirmé avoir assez d’élément de preuves pour ouvrir une enqête portant sur : (1) Les crimes commis par l’armée israélienne et le Hamas pendant la guerre de Gaza de 2014, (2) La répression de l’armée israélienne lors de la marche du retour de 2018 et (3) la colonisation juive en Cisjordanie.
Le 1 Novembre 2023
Par Camille Marquis Bissonnette
À l’initiative de la professeure Camille Marquis Bissonnette et de l’équipe du blogue juridique Quid Justitiae, veuillez trouver ci-bas une lettre ouverte concernant le conflit actuel entre Israël et la Palestine. Elle invite à recentrer le débat public vers la mise en œuvre du droit international humanitaire plutôt que sur le concept – stérile – de terrorisme.
Cette lettre s’adresse surtout au grand public. Si vous le souhaitez, merci de la signer, en votre nom personnel et/ou au nom de votre institution, par le biais de ce formulaire.
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L'esprit du droit international humanitaire est - paradoxalement, ou pragmatiquement - de préserver une certaine humanité dans la guerre, d'en limiter les effets destructeurs. Dans son optique, le seul but légitime des hostilités est d'affaiblir le potentiel militaire de l'ennemi, pas de tout détruire. Il est difficile de voir dans ce qui se déroule à Gaza, une expression de cette idée, une guerre qui se fait en respect de ces règles.
Au regard des informations disponibles, des crimes de guerre - qui sont des violations graves du droit international humanitaire - auraient été commis par le Hamas et par Israël, dans le cadre des hostilités qui les opposent depuis le 7 octobre. Toutefois, de manière fondamentale, le fait que le Hamas ait violé le droit international humanitaire dans le cadre de ses attaques en Israël n'autorise pas Israël à le violer à son tour. De la même façon, le fait qu’Israël ait violé le droit international humanitaire applicable au régime d'occupation militaire à Gaza depuis 1967 n'autorisait pas le Hamas à commettre des attaques et exécutions contre les personnes civiles. Les représailles contre les personnes protégées par les Conventions de Genève, y compris les personnes civiles, sont en effet formellement interdites. L'heure n'est pas à chercher qui a fait le plus de mal. Tel n'est pas, en tout état de choses, l'objet du droit international humanitaire.
Quel sort est réservé à la population civile gazaouie?
Il est clair, toutefois, que le rapport de force dans le cadre de ce conflit armé est inégal, en particulier en ce qui a trait à la population civile gazaouie. Malgré cela, le 18 octobre, onzième jour des hostilités, longtemps après que le nombre de morts civiles gazaouies ait dépassé le nombre de morts civiles israéliennes, le Président américain Joe Biden a réitéré lors de sa visite en Israël le droit d'Israël de se défendre et le soutien inaltéré des États-Unis pour le faire. Les États-Unis ont également bloqué, le même jour, un vote au Conseil de sécurité des Nations Unies visant à autoriser des pauses humanitaires pour permettre l'acheminement d'assistance humanitaire. Dans son discours à la nation le 20 octobre, Biden a également, d'une manière plutôt étrange et contre-intuitive, comparé la position du Hamas avec celle de la Russie dans les guerres en Israël et à Gaza, et en Ukraine, respectivement. Quant au Canada, il a maintenu son appui à Israël depuis le début des hostilités, et n'a condamné que les attaques perpétrées par le Hamas et l'attaque contre l'hôpital Al Ahli, en admettant la version israélienne selon laquelle son armée ne serait pas à l'origine de l'attaque. Dans les discours de ces deux États, l'heure n'est pas à appeler à un cessez-le-feu ou à la paix.
Le 18 Octobre 2023
Par Johann Soufi
Cet article est une publication conjointe de ThucyBlog et Quid Justitiae.
. « La corruption sape la démocratie et l’état de droit, amène à la violation des droits humains, détruit l’équilibre des marchés, érode la qualité de la vie et permet au crime organisé, au terrorisme et à toutes les autres formes de menaces à la sécurité humaine de prospérer », Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations Unies, 2003.
Le fléau de la corruption
La corruption – le fait pour une personne investie d’une fonction déterminée de solliciter ou d’accepter un avantage quelconque en vue d’accomplir, ou de s’abstenir d’accomplir, un acte entrant dans le cadre de ses fonctions – est un phénomène qui touche tous les pays, quel que soit leur système politique ou leur niveau de développement économique. Elle affecte tous les secteurs d’activités, le public, comme le privé. La corruption atteint particulièrement les personnes et les groupes défavorisés qui dépendent davantage des biens et services publics de première nécessité et qui ne disposent pas de moyens suffisants pour recourir au secteur privé.
La corruption porte directement atteinte aux mesures que les États et la communauté internationale mettent en œuvre pour répondre aux défis transnationaux (menaces sécuritaires en tout genre, lutte contre le réchauffement climatique, pandémies). Elle est aussi un obstacle de taille au développement durable et à la lutte contre la pauvreté et constitue l’une des causes principales des mauvais résultats économiques de certains pays en développement.
Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), chaque année, 2 600 milliards de dollars sont détournés par la corruption, une somme équivalente à plus de 5 % du PIB mondial. Dans les pays du « Global South », les fonds perdus à cause de la corruption seraient dix fois plus élevés que le montant de l’aide publique au développement.
Les réponses de la communauté internationale à la corruption
Malgré l’ampleur du phénomène, la communauté internationale est longtemps restée silencieuse sur le sujet. Jusqu’à la fin du XXe siècle, la lutte contre la corruption est menée essentiellement au niveau national et régional, notamment en Europe et en Amérique du Nord.
Au début des années 2000, des scandales internationaux et la publication annuelle d’un « indice de perception de la corruption » par l’ONG Transparency International accroissent la prise de conscience internationale. Plusieurs résolutions et instruments visant à la prévenir et la combattre sont adoptés par les Nations Unies, notamment la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, signée en 2000 à Palerme qui établit un cadre universel pour la mise en œuvre d’une coopération policière et judiciaire internationale contre la criminalité transnationale organisée[1].
Le 31 octobre 2003, l’Assemblée générale adopte la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC ou Convention de Merida). Cet instrument mondial de lutte contre la corruption oblige les États partis à prévenir et à sanctionner les formes de corruption les plus répandues dans le secteur public et le secteur privé[2]. La CNUCC marque un tournant en ce qu’elle exige des États qu’ils restituent, à certaines conditions, les avoirs acquis illicitement et les fruits de la corruption aux pays spoliés.
Si la CNUCC bénéficie d’une adhésion quasi universelle (189 États parties), les principaux kleptocrates continuent pourtant de bénéficier d’une large impunité en raison de la faiblesse des moyens dont dispose la plupart des autorités judiciaires nationales et d’une coopération internationale encore insuffisante en la matière.
Le projet d’une Cour internationale anti-corruption (CICC)
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