behavioral
Bandeau UL

La Cour pénale internationale sous le microscope : un voyage dans le temps – partie III

Olivier Lacombe

Olivier Lacombe est candidat à la maîtrise en droit avec mémoire à la Faculté de droit de l’Université Laval. Il s’intéresse en particulier au droit international pénal, au droit international des droits de la personne et aux droits des peuples autochtones. Sous la direction de la professeure Fannie Lafontaine, ses recherches portent sur l’obligation de prévenir le crime de génocide en droit international. Olivier est titulaire d’un baccalauréat en droit (LL.B.) de cette même université en plus d’avoir étudié à l’Institute for Human Rights d’Åbo Akademi University (Finlande) dans le cadre d’un programme d’échange. Au cours de ses études, il a notamment participé aux travaux de la Clinique de droit international pénal et humanitaire de l’Université Laval.

https://www.cdiph.ulaval.ca/sites/cdiph.ulaval.ca/files/olivier.jpg
4 October 2020

Introduction

Il y a plus d’un mois, nous avons dû nous laisser avant d’avoir pu compléter la double étude de cas entreprise dans le précédent billet de cette série au sujet de l’Examen de la Cour pénale internationale (CPI). Avant de reprendre, j’estime cependant qu’il convient d’inviter celles et ceux qui se joignent à nous à consulter le billet introductif de cette série ainsi que mes précédentes contributions (Un voyage dans le tempspartie I et partie II) pour en savoir davantage au sujet de ce projet ainsi qu’au sujet de l’Examen. Il me faut également signaler que les trois mises en garde initialement formulées conservent ici toute leur pertinence. Cette précaution étant prise, il est grand temps de se lancer.

L’étude de cas que nous avons laissée en suspens s’intéressait, rappelons-le, à deux faits plutôt récents, soit la création par l’Assemblée des États Parties (AÉP) de son Groupe d’étude sur la gouvernance et la vaste restructuration du Greffe de la Cour mieux connue sous le vocable « ReVision ». Je me suis alors aventuré à tirer quelques leçons de ces évènements que j’associe au passé de la Cour bien qu’ils ne soient pas, à vrai dire, chose du passé puisque le fruit du premier demeure une structure active de l’AÉP alors que les conséquences du second se font toujours sentir. Mon élan s’est toutefois vu interrompu par un décompte des mots qui s’emballait, et ce, avant d’avoir pu livrer une dernière leçon arrachée à l’histoire récente du management international pénal.

Ce troisième et ultime tronçon de notre courte odyssée temporelle porte donc avant toute chose sur le dernier enseignement que nous livre la saga « ReVision ». Celui-ci concerne l’importance d’une large participation des intervenant-e-s externes à la compréhension et la solution des divers problèmes qui affectent la Cour. Une fois ce filon épuisé, je tournerai mon attention vers ce qui a immédiatement précédé l’Examen, c’est-à-dire le contexte politique et, par extension, médiatique ayant présidé à sa mise sur pied. Baigner un instant dans ces eaux troubles et mouvementées nous permettra de mieux comprendre les préoccupations qui accompagnent le groupe d’expert-e-s alors que ses travaux s’achèvent. Ce retour vers le présent nous permettra de « boucler la boucle », étape incontournable avant d’entreprendre, dans un prochain billet, une étude de l’Examen conjuguée au présent.

Dans la filière 13 de ReVision : retour sur une réforme oubliée

Si la précédente leçon s’est dessinée dans le sillage de ReVision, je dois ce nouvel enseignement à une réforme qui quant à elle ne vit jamais le jour. En effet, je m’intéresse cette fois à une initiative qui fut reléguée aux oubliettes du management international pénal.

Il est ici question du projet d’internaliser la représentation légale des victimes et de rapatrier l’ensemble des services de soutien juridique et administratif dont bénéficient les conseils de la défense. C’est du moins ce qui fut proposé en octobre 2014 par l’équipe de ReVision : regrouper toutes les fonctions liées aux victimes — ce qui inclut le Bureau du conseil public pour les victimes (BCPV) — au sein d’un nouveau Bureau des victimes et faire de même avec l’ensemble des fonctions du Greffe liées à la défense et le Bureau du conseil public pour la défense (BCPD). Il était proposé que ces derniers soient recoupés sous l’égide d’un nouveau Bureau de la défense (Rapport du Greffe, aux para 410—11).

Puisqu’une telle réorganisation ne peut être opérée sans déroger aux normes 77 et 81 du Règlement de la Cour qui fixent le mandat et l’organisation tant du BCPD que du BCPV, ce volet de ReVision ne pouvait être entrepris sans l’accord des juges réuni-e-s en assemblée plénière (Statut de Rome, art 52). D’abord présentée aux juges en 2014, la proposition initiale fut révisée à l’issue d’un processus de consultation impliquant diverses parties prenantes telles que des membres des unités concernées, des représentants légaux des victimes, des conseils de la défense ainsi que des représentant-e-s d’ONG et d’État parties. En mars 2015, une conférence réunissant « environ 70 experts ayant une vaste expérience du fonctionnement de Cour dans les domaines de la défense et de la participation des victimes à la procédure » marquait à la fois le point culminant et la clôture de ce processus de consultation ayant permis « de réexaminer certaines des idées initiales et partant que les premières propositions soient revues et développées davantage » (Rapport du Greffe, au para 413).

C’est cette consultation qui permit au Greffier de présenter en mai 2015 un « concept révisé » de cette réforme à l’assemblée plénière des juges. Or, il est aujourd’hui manifeste que cette nouvelle proposition n’a jamais reçu l’aval des juges et fut ultimement tablettée, et ce, sans que les motifs de ce désaveu ne soient publicisés.

À cet égard, les observations tout comme les inquiétudes formulées par diverses ONG au fil des consultations organisées par le Greffe sont éclairantes. Ces organisations ont notamment dénoncé l’extension plus que tardive du processus de consultation aux intervenants externes. Soulignant à ce propos qu’aucun membre de l’équipe ReVision ne bénéficiait d’une véritable expérience de travail en contact avec des victimes de crimes internationaux, la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH) s’est désolée de l’absence d’un « processus de consultation ouvert, transparent et structuré » (FIDH à la p 2).

C’est cependant au regard des observations formulées par ces intervenants au sujet des conséquences probables des modifications proposées que se mesure toute la pertinence de leur contribution. Prenons pour seul exemple la proposition du Greffe d’internaliser la représentation légale des victimes. C’est à l’unisson que les représentant-e-s de la société civile ont dans un premier temps dénoncé l’absence de preuve convaincante de la nécessité et des vertus annoncées de cette initiative. À ce propos, Avocats sans frontières (ASF) relève à juste titre que la proposition du Greffe « does not refer to any substantiated study (such as a comparative study) as to why and how the internal legal representation as proposed would better serve the victims’ interests (including in terms of cost-effectiveness) » (ASF au para 7). Sur ce point, la FIDH renchérit :

La représentation des victimes dans les procès pénaux internationaux est un élément nouveau en droit international et nous ne pouvons dire qu’aucun des systèmes mis en place à ce jour n’a été parfait. Il conviendrait donc de procéder à un examen critique, lequel ne saurait se contenter de conclure à l’inefficacité de tel ou tel système. Il conviendrait d’examiner les motifs pour lesquels les différents modèles ont fonctionné, et de quelle manière et, en particulier, d’évaluer les limites auxquelles ces différents modèles ont été confrontés ainsi que la manière dont celles-ci pourraient être surmontées (FIDH à la p 8).

Outre l’économie d’une démonstration convaincante des bienfaits de l’internalisation, ces organisations relèvent plusieurs tares. Par exemple, la FIDH dénonce une approche qui « prive en fait les victimes de la possibilité d’être représentées par un conseil extérieur indépendant » et insiste sur ses incohérences :

Nous sommes préoccupés par le fait que, donner la priorité aux conseils internationaux et rendre optionnelle l’assistance des conseils externes, ne perpétue une approche dirigiste […] Appliquer une telle approche dirigiste à la participation des victimes n’aurait pas de sens dans ce domaine qui, par sa nature même, a été conçu avec l’objectif inverse : favoriser une approche participative des victimes (FIDH aux pp 5, 13).

Vient ensuite une longue liste de préoccupations concernant l’indépendance de la représentation légale et les conflits d’intérêts inhérents au regroupement des différentes fonctions du Greffe concernant les victimes. Ce passage des observations présentées par ASF donne le ton :

inclusive legal representation of all the victims by one single organ of the Registry will create a strong appearance of dependence to the Court and a real risk of conflict of interests. Victims represented at the Court may be opposing parties and/or represent opposing views as to their rights. From the victims’ point of view, one single organ of the Court will be representing them but also those who they consider as their “enemies” (ASF au para 8).

De son côté, l’organisation REDRESS avance que l’internalisation « may threaten the independence of legal representation for victims, and undermine the purpose of such representation, which is to afford victims an independent and unfiltered voice in proceedings » (REDRESS à la p 5). Cette crainte est partagée par la FIDH qui s’inquiète de la possibilité que des représentants légaux à l’emploi de la CPI et impliqués dans différentes affaires « puissent être guidés par d’autres intérêts, induits par certaines politiques de la Cour ou de leur propre unité, ou par l’intérêt (réel ou supposé) de leurs clients dans d’autres affaires, présentes ou à venir » (FIDH à la p 9). Cette dernière y voit également une potentielle limite à la liberté d’action des représentants légaux puisque l’expérience démontre que « l’indépendance du conseil lui permet également de prendre de mesures qui pourraient sembler sortir du strict mandat de la représentation légale dans le cadre des procédures mais qui sont néanmoins liées aux affaires dont est saisie la CPI, et ce, dans l’intérêt des victimes » (FIDH aux pp 9—10).

Il va sans dire que ces quelques lignes ne font qu’effleurer la teneur de la contribution de la société civile à ce processus de consultation. Bien qu’on puisse y voir une longue diatribe prenant pour cible un projet pourtant bien intentionné, il convient de se détromper. Cette histoire est avant tout celle d’un succès, soit celui d’avoir su convier à la table plusieurs, car on ne saurait dire « l’ensemble », des parties prenantes afin d’écouter ce qu’elles avaient à dire. Voilà donc le dernier enseignement que je tire de l’épisode tortueux que fut ReVision : il s’impose de rompre avec l’orgueil de l’expertise et de s’ouvrir à la diversité des enseignements que permet une large consultation des parties prenantes.

Comme le démontre l’exemple de ReVision, cette contribution a permis de couvrir les angles morts et d’en arriver à une véritable compréhension des multiples ramifications de ce qui n’était, pour tout dire, qu’une simple fusion d’unités administratives. Cela démontre que la complexité des enjeux propres à la justice internationale pénale, même lorsqu’il n’est question que de son administration, ne peut être pleinement appréhendée que collectivement. Cette leçon semble ne pas avoir échappé aux expert-e-s choisi-e-s pour mener l’Examen puisque ceux-ci ont mené des consultations ouvertes à toutes les parties prenantes (ici). Il reste toutefois à savoir si celles-ci se sont avérées satisfaisantes du point de vue des acteurs concernés tout comme à voir si leurs observations seront dûment prises en considération dans le rapport final des expert-e-s. Je me garde cependant d’aborder immédiatement ces deux questions pour la simple et bonne raison qu’il n’est pas possible d’apporter réponse à la seconde sans avoir ledit rapport entre les mains. Le temps est donc venu de tourner notre attention vers les évènements qui ont précédé et, en quelque sorte, annoncé la venue de l’Examen.

Le contexte politique de l’Examen ou « les tourments de l’AÉP »

L’intervention du représentant du Royaume-Uni, Andrew Murdoch, lors du débat général de la 17e session de l’AÉP en décembre 2018 eut sans contredit l’effet d’une douche froide. Cette allocution a non seulement signalé un changement de ton au sein de l’Assemblée, mais également le passage à l’avant-scène de certains enjeux. Si le Royaume-Uni n’est alors pas le seul État Partie à vouloir dresser un « bilan sans fard » des performances de la Cour – voir notamment les interventions de la France (citation), du Canada et de l’Autriche au nom de l’Union européenne –, l’interpellation qu’il adresse à l’Assemblée se veut particulièrement cinglante :

we cannot burry our heads in the sand and pretend everything is fine when it isn’t. The statistics are sobering. After 20 years, and 1.5 billion Euros spent we have only three core crime convictions. As others have said, and I quote “it is undeniable that the Rome project still falls short of the expectations of the participants at that ground-breaking conference in Rome”. The time has come for States to take a fundamental look at how the Court is operating (Intervention du Royaume-Uni à la p 2).

Ce bilan, dont plusieurs nuances ont par ailleurs été négligées, nous permet aujourd’hui de mieux saisir le contexte politique ayant vu naître l’Examen. Ce passage de l’intervention clôt en réalité une énumération des préoccupations britanniques dont les soulignés dans le texte original facilitent grandement l’inventaire : le respect du principe fondateur qu’est la « complémentarité », le maintien des « normes les plus strictes de bonne gouvernance et de professionnalisme » ainsi que la nécessité de faire preuve de « discipline budgétaire » sont au nombre de ces préoccupations ([souligné dans l’original] Intervention du Royaume-Uni aux pp 1—2). Sur ce dernier point, il est particulièrement intéressant de constater que le discours britannique, comme d’autres, tisse un lien entre la discipline budgétaire et la crédibilité de la Cour. Le sens de cette relation est explicité par la suite de l’intervention :

The Court needs to generate greater efficencies, strictly prioritising and redeploying resources where they are needed the most and can result in concrete progress — prioritisation is not a dirty word! We want to see money spent on the right things. The Court is in danger of spending more money on internal litigation, including litigation on salaries, than on victims. This will do nothing to enhance the reputation of the Court outside its walls (Intervention du Royaume-Uni à la p 2).

S’il saute aux yeux que l’injonction « [w]e want to see money spent on the right things » pourrait tout aussi bien être tirée du procès-verbal d’une assemblée d’actionnaires et qu’il est permis de s’interroger quant à la nature de ces « concrete progress » que les Britanniques appellent de tous leurs vœux, ce sont les craintes de voir la Cour dépenser plus d’argent dans le cadre de litiges internes qu’en réparations versées aux victimes qui retiennent ici mon attention. Le reproche est à peine voilé; ces craintes font écho non seulement aux retombées de ReVision devant le Tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail (OIT), mais surtout à la controverse née de la contestation par certains juges de leur traitement et rémunération. En effet, dans une requête déposée devant le tribunal de Genève, six des dix-huit juges siégeant à la Cour reprochent à cette dernière de ne pas leur avoir offert une augmentation salariale équivalente à celles versées à d’autres responsables seniors de l’institution. Se rangeant derrière le président de la Cour, ces juges demandent donc une augmentation de leur salaire de l’ordre de 26%, une compensation rétroactive, une bonification de leur régime de retraite et des dommages pouvant atteindre des millions (The New York Times).

La réaction de William Pace, alors président de la Coalition pour la Cour pénale internationale, traduit avec éloquence le caractère absurde et kafkaïen de la situation : « [t]he prosecutor needs funds for more investigators, the trust fund asked more help to handle reparations for victims, […] [a]nd the president of the court is suing his own court, that’s how crazy this is (Ibid). » Faut-il par ailleurs rappeler que les juges siégeant à temps plein touchent annuellement non moins de 180 000 € libres d’impôt (Conditions de service des juges, titre III au para 1) ? S’il est vrai qu’il est loisible aux juges internationaux, comme à tout autre employé d’une institution internationale, de soumettre ces questions à l’attention du Tribunal de l’OIT, il est non moins légitime de se demander si une telle décision s’avère raisonnable et même responsable au regard de son contexte. Encore une fois, William Pace trouve le mot juste pour souligner le caractère regrettable, quoique marginal, de cette initiative : « [i]t’s very unfortunate that six judges out the forty or so who have worked there are claiming that the ASP is mistreating them by not giving them more than the 200 thousand euros, plus benefits, plus pension, etc., they already earn (JusticeInfo.net) ».

Dans ce crescendo politique, viennent ensuite les revers essuyés cette fois dans la salle d’audience de La Haye. Que l’on pense au non-lieu prononcé dans le cadre des affaires Gbagbo et Blé Goudé ou encore au refus de la Chambre préliminaire d’autoriser l’ouverture d’une enquête concernant la situation en Afghanistan notamment au regard des ressources limitées dont dispose la Cour (Décision au para 95), il est clair que l’année judiciaire ayant précédé la 18e session de l’AÉP fut tumultueuse. Même si cette année judiciaire chargée ne saurait être réduite à ces épisodes ayant semé l’émoi, tant juridique que politique, force est de constater que ces derniers ont contribué au sentiment d’urgence qui pesait sur l’AÉP en décembre 2019.

Puisqu’il est question de la situation afghane, les menaces d’abord proférées puis mises à exécution par les autorités américaines à l’endroit de la Cour et de la Procureure ne peuvent être passées sous silence. Celles-ci ont été maintes fois dénoncées lors de l’AÉP, tant par les principaux officiers de la Cour que par les États Parties. Si tous semblaient unis derrière la Cour, ce branle-bas de combat trahit néanmoins une certaine inquiétude face à cette escalade qui se poursuit encore aujourd’hui (voir notamment ici, ici et ici).

Une énième tuile vint s’abattre sur la Cour et l’AÉP lorsque parut, le 24 avril 2019, une lettre ouverte signée par quatre anciens présidents de l’Assemblée. Son titre est sans détour : « The International Criminal Court needs fixing ». Certes, cette lettre souligne avant toute chose l’importance de la Cour et du rôle qu’elle est appelée à jouer afin de combler « the impunity gap » et porter la vision qui anima les ultimes négociations de la conférence de Rome. Le constat que dressent les auteur-e-s n’en demeure pas moins alarmant : « the powerful impact of the Court’s central message is too often not matched by its performance as a judicial institution. We are disappointed by the quality of some of its judicial proceedings, frustrated by some of the results, and exasperated by the management deficiencies that prevent the Court from living up to its full potential (lettre ouverte). »

Quant à elle, la proposition se veut tout aussi simple qu’ambitieuse : « [t]oday, it is time to make a new deal between the ICC and its states parties ». Pour ce faire, la conduite d’un examen de la Cour par des expert-e-s indépendant-e-s est avancée comme une démarche qui permettrait enfin à la Cour de se regarder en face. Comme en témoignent les mises en garde exprimées, les auteur-e-s font preuve de lucidité lorsqu’il est question de la portée d’une telle démarche : « [i]f done right and used smartly, this can provide Court officials and all stakeholders with a common point of reference going forward, at a crucial moment for the Court (lettre ouverte). » Le fruit de cette démarche, inspirée de l’expérience d’autres juridictions internationales pénales, offrirait donc un référent commun à toutes les parties prenantes engagées dans le renouvellement de la relation unissant la Cour et les États Parties.

Ainsi présenté, l’Examen s’avère être un point de départ. Cette démarche doit ouvrir la voie au renouvellement de la relation qui unit la Cour, les États Parties et les autres parties prenantes sans pour autant définir cette relation. Cette perspective est particulièrement intéressante alors que nous nous apprêtons à atterrir dans le présent et entreprendre une étude de l’Examen tel qu’il s’est matérialisé et se présente à nous aujourd’hui. Même si l’appel à l’action lancé par les anciens présidents de l’AÉP ne liait évidemment pas les membres de l’Assemblée, il demeure pertinent de se demander si les attentes envers l’actuel Examen sont demeurées aussi modestes et, soit dit en passant, réalistes que celles exprimées dans cette lettre. Pour tout dire, ses auteurs semblent avoir compris l’importance de distinguer ce que l’Examen est de ce qu’il n’est pas, et ce, avant même son avènement acclamé.

Conclusion

Ce bref tour d’horizon du contexte politique dans lequel est né l’Examen permet de mieux comprendre ce qu’il est. Replacé dans son contexte, l’Examen apparaît comme une tentative de calmer le jeu. Cette démarche témoigne d’une prise de conscience non seulement des nombreuses difficultés auxquelles la Cour fait face, mais surtout de l’insatisfaction montante des États Parties. L’Examen se veut donc la réponse de l’AÉP à ces difficiles constats et marque du même coup son passage de la parole à l’action.

Si cette volonté de regarder les choses en face a quelque chose d’emballant, il importe de s’assurer que nos attentes envers cet exercice et ses éventuelles retombées soient des plus réalistes. Comme cela a déjà été dit, laisser germer et s’enraciner des attentes démesurées, c’est courir le risque d’être amèrement déçu, et ce, alors même que le moment apparaît des plus propices au changement et à la solution de nombreux problèmes.

Pour filer la métaphore, c’est ce travail de désherbage que se propose d’entreprendre la prochaine contribution de cette série. Après avoir énoncé l’ultime leçon soutirée à l’épisode ReVision, c’est-à-dire le constat de toute l’importance d’impliquer les parties prenantes dans les réflexions concernant la Cour et son avenir, et avoir survolé le contexte politique auquel la Cour et l’AÉP se trouvaient confrontées, il est maintenant temps de se consacrer pleinement à l’objet de notre étude : l’Examen.

C’est à ce nouveau rendez-vous que je vous convie alors qu’approche à grands pas la date fixée pour la remise du rapport final du groupe d’expert-e-s, soit le 30 septembre 2020 (Communication du Groupe d’expert-e-s et Résolution ICC-ASP/18/Res.7 au para 8). Il est temps de porter notre attention sur ce qu’est l’Examen afin de pouvoir mieux comprendre les recommandations formulées, saisir leur véritable portée et, surtout, mieux cerner les suites qu’il convient de donner à cet exercice lors de la prochaine session de l’AÉP.


La publication de ce billet et la participation de l’auteur.e à la 18e Assemblée des États Parties à la Cour pénale internationale sont financées par le Partenariat canadien pour la justice internationale et le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.


Image en vignette : "ICC Construction: July 2015" par *rboed* licence sous CC BY 2.0.

Évènements et symposium :