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Des témoins détenus transférés à La Haye pour déposer devant la Cour pénale internationale et du droit d’asile : une question épineuse inattendue, une protection des droits de l’homme acceptable ?

Fabrice Bousquet

Fabrice Bousquet est doctorant en droit à l’Université Laval depuis 2013. Son sujet de recherche - à la croisée du droit pénal international, du droit pénal comparé et des droits de l’homme - s’intitule : « Améliorer l’efficience du modèle procédural de la Cour pénale internationale, sous les lumières d’une étude comparative (Allemagne, Angleterre, Canada, France). L’essence du juge d’instruction comme source d’inspiration ? »

Il est diplômé d’une Licence de gestion de l’Institut d’administration des entreprises de Toulouse ainsi que d’une Licence en droit et d’un Master 2 droit pénal et sciences criminelles de la Faculté de droit de Toulouse. Une visite d’études de deux mois au sein de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et deux stages, six mois au sein du Bureau du conseil public pour la défense de la Cour pénale internationale (CPI) et six mois au Bureau de la défense (puis de l’équipe de défense de M. Oneissi) du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), ont complété ses études. Il a également travaillé, à travers la Clinique de droit international pénal et humanitaire (CDIPH), pour le respect des droits des victimes du génocide cambodgiens et celles du dictateur Hissène Habré au Tchad.

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Nom de famille: 
Bousquet
Prénom: 
Fabrice
3 November 2013

Des témoins détenus transférés à La Haye pour déposer devant la Cour pénale internationale et du droit d’asile : une question épineuse inattendue, une protection des droits de l’homme acceptable ?

(Article à jour du 21 octobre 2013)

1.        Quelles que soient les situations envisagées par les auteurs et rédacteurs des dispositions établissant et régissant le fonctionnement des juridictions pénales internationales, la pratique révèle toujours des questions inattendues dont l’issue est parfois des plus complexes.

Il appartient alors aux juges de ces tribunaux de trouver une solution juste et équilibrée en vertu du droit applicable et des principes d’interprétation pertinents. Pour autant, les acteurs concernés ne seront pas toujours des plus enjoués de cette solution parfois difficile à trouver.

2.        Ce cas de figure s’est présenté en 2011 devant la Cour pénale internationale (la CPI ou la Cour), où les juges de la Cour ont eu à se pencher sur une situation exceptionnelle. Il s’agissait pour eux d’envisager la possibilité et les conséquences de demandes d’asiles formulées auprès des autorités néerlandaises par des témoins de la défense, détenus en République démocratique du Congo (la RDC) et transférés à La Haye le temps de leur déposition devant la Cour.

Le 9 juin 2011, dans l’affaire Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, la Chambre de première instance II (la Chambre), composée de M. le juge Bruno Cotte (juge président), Mme la juge Fatoumata Dembele Diarra et Mme la juge Christine Van den Wyngaert, s’était prononcée sur les premières implications de ces demandes d’asile. La Chambre avait ainsi ordonné, après leur déposition, la suspension du renvoi en RDC des trois témoins détenus, le temps de leur garantir un recours effectif devant les autorités néerlandaises aux fins d’asile.

Le 1er octobre 2013, la Décision relative à la demande de mise en liberté des témoins détenus DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350 (la Décision du 1er octobre 2013)[1] est venue trancher la question de la détention de ces trois témoins détenus, toujours sous la garde de la CPI après plus de deux ans passés dans le centre de détention des Nations Unies à La Haye dans l’attente du règlement de leurs procédures de demande d’asile.

Le juge français et la juge malienne ont décidé à la majorité que la Cour n’était pas compétente pour statuer sur la remise en liberté des trois témoins détenus, seule leur garde lui étant confiée. Après analyse des obligations incombant à la CPI en vertu du Statut de Rome (le Statut) et des autres dispositions pertinentes, ces deux juges ont estimé qu’il appartenait  aux seules autorités de la RDC de se prononcer sur cette détention ou aux autorités des Pays-Bas de demander leur transfert sous leur contrôle durant l’examen de leurs demandes d’asile.

Au contraire, dans son Opinion Dissidente[2], Mme la juge Christine Van den Wyngaert a justifié de la compétence de la Chambre pour se prononcer sur cette détention. Elle a ensuite expliqué les raisons pour lesquelles la détention des trois témoins détenus était devenue à son sens arbitraire et que leur libération immédiate était le remède approprié pour réparer la violation de leurs droits.

3.        Après un rappel substantiel de cette affaire des témoins détenus commencée en 2011 (I), la Décision du 1er octobre 2013 et son Opinion dissidente seront exposées (II). Une fois n’est pas coutume, je me permettrai de prendre position sur cette affaire sans réel précédent concernant deux enjeux substantiels liés à cette Décision du 1er octobre 2013 : l’effectivité du droit de recours des trois témoins détenus devant la Cour européenne des droits de l’homme (la CEDH), eu égard essentiellement à la notion de juridiction consacrée à l’article 1 de la Convention (européenne) de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la CSDH), et la légalité de leur détention (III).

 

I - Synthèse substantielle des principaux développements antérieurs dans l’affaire des témoins détenus.

 

4.        Afin de comprendre le contexte dans lequel la Décision du 1er octobre 2013 s’insère, il convient de démêler et de revenir substantiellement sur la procédure antérieure devant la CPI (1) et devant les juridictions néerlandaises (2). Évoquer les situations connexes permettra de mieux apprécier les enjeux importants de cette affaire des trois témoins détenus (3) (4) (5).

 

1. Concernant les trois témoins détenus devant la CPI.

 

5.        Le 29 novembre 2010, dans l’affaire Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui[3], la défense de Germain Katanga requit de la Chambre que les dispositions appropriées au transfert de personnes détenues en RDC, qu’elle avait l’intention de citer au procès à La Haye, soit prises[4]. La Chambre fit droit à cette demande le 7 janvier 2011[5]. Deux des trois personnes finalement transférées à cette fin étaient détenus en RDC depuis février 2005 au Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (l’ex-prison de Makala) dans l’attente d’un procès pénal devant les juridictions militaires internes ; la troisième l’était depuis 2010[6].

Les trois témoins détenus, Floribert Ndjabu Ngabu, Charif Manda Ndadza Dz’na et Pierre-Célestin Mbodina Iribi[7], furent transférés à La Haye le 27 mars 2011, après un accord conclu entre le Greffe de la CPI (le Greffe) et la RDC[8]. Ils comparurent et déposèrent devant la Chambre entre le 30 mars et le 3 mai 2011.

6.        Les trois témoins détenus déposèrent, le 12 avril 2011 par l’intermédiaire de leur conseil de permanence, Maître Ghislain Mabanga Monga Mabanga[9], une requête devant la Chambre afin de suspendre leur retour en RDC et de voir facilitée leur demande d’asile projetée auprès des services néerlandais compétents[10]. Cette requête avançait, d’une part, leurs craintes exprimées pour leur vie, leur sécurité et leur droit à un procès équitable en cas de retour en RDC et, d’autre part, l’insuffisance des mesures de protection proposées par le Greffe en RDC du fait de l’inadéquation du programme de protection pour des personnes détenues. Le 12 mai 2011, après leur déposition, mais avant d’être renvoyés en RDC, les trois témoins détenus présentèrent chacun une demande d’asile auprès du Royaume des Pays-Bas[11].

7.        Par Décision du 9 juin 2011, la Chambre statua sur la requête du 12 avril 2011 en précisant le rôle incombant à la Cour quant à la protection des trois témoins détenus (voir ici[12] pour une synthèse plus détaillée de la décision). Tout d’abord, elle estima que le Statut, notamment en son article 68, faisait obligation à la Cour de « prendre toutes les mesures de protection nécessaires pour prévenir les risques encourus par des témoins du fait de leur collaboration avec elle »[13]. Par contre, elle rejeta toute obligation pour la Cour d’opérer une évaluation des risques de violations des droits de l’homme ou de persécution de la part de l’État d’origine auxquels des témoins demandant l’asile feraient face[14]. Il revenait uniquement au Royaume des Pays-Bas de déterminer sa responsabilité eu égard au principe du non-refoulement[15], la Chambre relevant d’ailleurs que les autorités néerlandaises avaient indiqué sans ambiguïté qu’elles « se trouveraient dans l’obligation »[16] d’examiner une demande d’asile présentée. Ensuite, la Chambre décida de suspendre le renvoi immédiat en RDC des trois témoins détenus, bien que tenue à cette obligation en vertu de l’article 93-7 du Statut. Cette suspension temporaire était rendue nécessaire par l’obligation faite aux juges d’interpréter et d’appliquer le Statut et le Règlement de procédure et de preuve (le Règlement) en accord avec les droits de l’homme internationalement reconnus telle que posée par l’article 21-3 du Statut[17]. Pour soutenir cette suspension, les juges de la Cour avançaient d’une part que la procédure devant permettre de mettre en œuvre des mesures de protection adéquates en RDC par le Greffe au bénéfice des trois témoins détenus était toujours en cours[18]. D’autre part, non seulement la Chambre se devait de respecter les droits de l’homme internationalement reconnu - en l’espèce le droit pour toute personne, détenue ou non, de demander asile et de pouvoir exercer un recours effectif à cet effet[19]-, mais elle ne devait pas non plus contraindre l’État hôte « à méconnaître les droits reconnus aux témoins d’invoquer le principe du non- refoulement »[20] du fait de sa coopération avec la Cour lorsqu’il devrait assurer le transport de ceux-ci à l’aéroport pour les renvoyer en RDC. Enfin, la Chambre décida que les témoins, détenus en vertu d’un titre de détention délivré par les autorités congolaises, resteraient sous la garde de la CPI sur la base de l’article 93-7 du Statut[21], précisant néanmoins que la Cour ne pourrait envisager « d’assurer [cette] garde […] pendant une durée indéterminée »[22].

Trois scénarios étaient envisagés pour la suite[23]. Dans le premier, les trois témoins détenus étaient renvoyés en RDC sous deux conditions : que la Cour estime satisfaisantes les mesures de protection proposées par le Greffe et que leurs demandes d’asiles soient rejetées par les autorités néerlandaises. Dans le deuxième, en cas d’insuffisances de ces mesures au regard de l’article 68 du Statut ou d’acceptation des demandes d’asiles déposées auprès du Royaume des Pays-Bas, les trois témoins détenus ne pourraient être renvoyés en RDC par la Cour. Le dernier scénario - dans le cas où la Cour considèrerait les mesures de protection suffisantes alors que la décision des autorités néerlandaises concernant la procédure d’asile serait toujours pendante - nécessiterait qu’une solution soit rapidement trouvée concernant la détention et la garde des trois témoins détenus dans cette situation exceptionnelle, non prévue par les dispositions du Statut et du Règlement. Cette solution devait être recherchée en consultations avec l’État hôte et la RDC.

Le Procureur et le Royaume des Pays-Bas demandèrent à la Chambre, le 15 juin 2011, autorisation d’interjeter appel de la Décision du 9 juin 2011 en vertu de l’article 82-1-d du Statut[24]. Le lendemain, la RDC fit de même[25]. La Chambre déclara irrecevable ces trois demandes le 14 juillet 2011, la Décision du 9 juin 2011 n’étant pas par nature une décision interlocutoire parce que ne « s’inscrivant [pas] directement dans la procédure Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo »[26].

8.        Par décision du 22 juin 2011, la Chambre décida de la mise en place de mesures propres à assurer la protection des trois témoins détenus en vue de leur éventuel retour en RDC, au vu de l’article 68 du Statut, et ce, jusqu’à conclusion des procédures dont ceux-ci font respectivement l’objet en RDC[27] (voir ici[28] pour une synthèse plus détaillée de la décision). La Chambre ordonna au Greffe de prendre contact avec les autorités de la RDC pour établir ces mesures tenant tant à leurs conditions de détention qu’à assurer leur suivi et celui de leurs procès respectifs.

Le 24 août 2011, après concertation du Greffe et des autorités congolaises, la Chambre déclara remplie son obligation d’assurer la protection des trois témoins détenus du fait de leur collaboration avec la Cour, eu égard à l’article 68 du Statut. Du fait de l’état pendant des procédures d’asile - le troisième scénario envisagée par la Chambre dans sa Décision du 9 juin 2011 -, cette dernière souligna l’urgence de régler la question de la détention et de la garde des trois témoins détenus[29].

Ce troisième scénario aboutit à une impasse, que la Chambre souligna dans sa décision du 1er mars 2012, du fait du refus des autorités néerlandaises de reconnaître leur compétence sur la question de la détention et de la garde des trois témoins détenus et du refus du gouvernement congolais d’examiner cette même question[30]. Dans cette situation, la Cour, selon les juges, n’avait d’autre choix que de continuer à assurer la garde des trois témoins détenus sur le fondement de l’article 93-7 du Statut[31]. Néanmoins, au vu d’une décision du tribunal de district de La Haye du 28 décembre 2011 confirmant l’applicabilité de la procédure ordinaire de demande d’asile aux cas des trois témoins détenus, la Chambre relança les consultations avec les autorités néerlandaises afin de trouver une solution[32].

Par ordonnance du 1er juin 2012, la Chambre réitéra sa position : à défaut de solution concertée avec les autorités néerlandaises et congolaises, la garde des trois témoins détenus serait assurée par la Cour[33].

9.        À noter que dans le but d’améliorer les conditions de détention des trois témoins détenus et après une visite du juge président au centre de détention de Scheveningen, la Chambre ordonna, le 15 juillet 2011, plusieurs mesures destinées à réduire leur isolement et leur confinement[34].

10.    Les trois témoins détenus déposèrent le 4 février 2013, soit plus de 21 mois après la fin de leur déposition devant la Cour, une requête aux fins de voir déclarer par la Chambre leur libération immédiate, leur détention au titre de l’article 93-7 du Statut n’étant pour eux plus justifiée[35]. En substance, ils avançaient la durée déraisonnable de leur détention « essentiellement imputable à l’État néerlandais et à l’extrême lenteur du déroulement des procédures de demande d’asile aux Pays-Bas »[36], ainsi que l’absence de « titre de détention valable émanant des autorités congolaises »[37]. Requête à laquelle la Décision du 1er octobre 2013, objet du présent billet, répond.

 

2. Concernant les trois témoins détenus devant les juridictions néerlandaises[38].

 

11.    Chacun des trois témoins détenus déposa une demande d’asile, le 12 mai 2011, auprès du Service de l’immigration et de la naturalisation néerlandais (le SIN), organisme dépendant du ministère néerlandais de la Justice et chargé d’examiner en premier ressort les demandes d’asile[39]. La date limite de réponse étant dépassée, les trois témoins détenus déposèrent des objections qui furent déclarées irrecevables le 6 juin 2000 par le SIN[40] qui exprima son refus de traiter les demandes d’asile selon la procédure ordinaire prévue par la législation néerlandaise[41]. Cependant, cette décision fut annulée par le tribunal de district de La Haye le 28 décembre 2011[42].

12.    La procédure d’analyse des demandes d’asile par les autorités néerlandaises, débutée le 23 janvier 2012, aboutit à un rejet le 31 octobre 2012, par application de l’article 1-F-a de la Convention relative au statut des réfugiés[43] - les témoins détenus faisant l’objet de procédures pour crimes contre l’humanité dans leur pays d’origine[44] -, et parce que leur renvoi en RDC ne serait pas contraire à l’article 3 de la CSDH[45]. Cette décision fut rendue plus de 4 mois après le délai prescrit par le tribunal de district de La Haye[46]. Les conseils néerlandais des trois témoins détenus, Maîtres Philip-Jan Schüller, Göran Sluiter et Wil Eikelboom, firent appel de la décision devant le tribunal de district de La Haye, les 27 novembre et 21 décembre 2012[47]. La décision de ce tribunal semble toujours pendante[48].

En parallèle, saisi de la question de la détention, le juge unique du tribunal de district de La Haye décida, le 26 septembre 2012, que les autorités  néerlandaises  étaient  tenues  d’engager  des  consultations avec la CPI en vue de mettre fin à la détention des intéressés en attendant l’issue de leurs  demandes d’asile[49]. Cependant, cette décision fut annulée par la Cour d’appel de La Haye le 18 décembre 2012[50], soulignant une décision de la CEDH du 9 octobre 2012 (voir infra par. 18). Un pourvoi en cassation devant la Cour suprême fut formé par les conseils néerlandais des trois témoins détenus[51]. D’après l’avocat néerlandais mandaté pour ce pourvoi par les trois témoins détenus - parce que spécialisé dans la pratique du recours en cassation -, la décision de la Cour suprême néerlandaise n’est pas attendue avant fin mars 2014[52].

 

3. Concernant l’autre témoin détenu devant la Cour pénale internationale.

 

13.    À proprement parler, il faudrait traiter de l’affaire des quatre témoins détenus. En effet, c’est quatre témoins détenus qui furent transférés à La Haye depuis la RDC le 27 mars 2011. En plus des trois témoins détenus, cités par la défense de Germain Katanga, un autre témoin, Bède Djokaba Lambi Longa[53] (l’autre témoin détenu), fut appelé par la défense dans l’affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo dans le même dessin. Il déposa devant la Cour entre le 30 mars et le 7 avril 2011[54].

14.    Le 7 avril 2011, lors de sa déclaration finale devant la Chambre de première instance I, l’autre témoin détenu fit état de sa préoccupation pour sa sécurité du fait de son renvoi imminent en RDC[55].

Son conseil de permanence désigné par le Greffe[56], en charge également de la représentation des trois témoins détenus devant la Cour, déposa le 1er juin 2011 une requête devant la Chambre de première instance I aux fins « de mesures de protection spéciales »[57], consistant notamment en la suspension du retour en RDC de l’autre témoin détenu et la facilitation de sa demande d’asile auprès des autorités néerlandaises. Deux motifs étaient avancés pour soutenir cette requête. D’une part, l’autre témoin détenu exprimait des craintes pour sa vie et sa santé en cas de renvoi en RDC et celles de sa famille, notamment du fait de la capacité qu’auraient les autorités congolaises à neutraliser leurs opposants politiques en usant de représailles judiciaires[58]. D’autre part, l’inefficacité des mesures de protection prévues par le Greffe et appliquées pour un témoin détenu était avancée[59].

Afin d’évaluer les risques encourues par l’autre témoin détenu et de déterminer les mesures de protection appropriées pour son renvoi en RDC, la Chambre de première instance I ordonna au Greffe, le 3 juin 2011, de surseoir provisoirement à son renvoi[60].

15.    Le 4 juillet 2011, la Chambre de première instance I, composée des juges Adrian Fulford (juge président), Elizabeth Odio Benito et René Blattmann, se prononça sur la requête du 1er juin 2011. À l’instar de la Chambre de première instance II le 9 juin 2011, les juges décidèrent de suspendre le retour de l’autre témoin détenu en RDC afin de lui fournir une possibilité véritable de soumettre sa demande d’asile auprès des autorités néerlandaises, seules compétentes pour statuer sur le fond[61]. Ils ajoutèrent être satisfaits des mesures de protection mises en place par le Greffe qui soulignait notamment que l’attention internationale générée par cette situation particulière avait eu pour effet de renforcer la sécurité des quatre témoins détenus[62]. Enfin, les juges relevèrent qu’il appartenait aux autorités néerlandaises de « se prononcer sur la nécessité de placer le témoin sous leur contrôle en attendant qu’il soit statué sur sa demande »[63], « le contrôle de toute procédure découlant de la demande d’asile »[64] leur revenant.

Deux demandes d’autorisation d’interjeter appel furent déposées le 13 juillet 2011, respectivement par le Royaume des Pays-Bas et par la RDC[65]. Contrairement à la position retenue par la Chambre de première instance II le 14 juillet 2011, la Chambre de première instance I fit droit à ces demandes le 4 août 2011. Elle refusa toutefois d’octroyer l’autorisation demandée sur la base de l’article 82-1-d du Statut, dont seules les parties à la procédure peuvent se prévaloir - qualité faisant défaut aux États - lorsque l’issue du procès est affectée[66]. L’autorisation fut accordée sur le fondement inattendu de l’article 64-6-f du Statut[67], à titre exceptionnel eu égard à l’importance de la décision et à son imprévision apparente par les auteurs et rédacteurs du Statut[68]. La Chambre d’appel vint cependant déclarer le 26 août 2011 l’autorisation d’interjeter appel ultra vires, « ayant déjà traité de façon exhaustive la question de savoir s’il était possible d’interjeter appel en dehors du cadre prévu aux articles 81 et 82 du Statut »[69].

16.    Le 15 août 2011, à la suite de consultations infructueuses entre le Royaume des Pays-Bas, la RDC et le Greffe sur la détention de l’autre témoin détenu, la Chambre de première instance I réitéra que seules les autorités néerlandaises avaient compétence pour décider d’assurer le contrôle de ce dernier durant la procédure d’asile[70]. Les juges pressèrent le Greffe de poursuivre les consultations pour savoir si les autorités néerlandaises entendaient différer le retour de l’autre témoin détenu[71].

Dans son Ordonnance du 1er septembre 2011[72], devant le refus de l’État hôte d’assurer la garde de l’autre témoin détenu, les juges indiquèrent que la Cour avait rempli ses obligations en vertu de l’article 21-3 du Statut, rappelant que son renvoi en RDC pouvait « être différé sous réserve que sa garde soit transférée à l’État hôte en attendant que celui‐ci statue sur sa demande d’asile »[73]. Ils demandèrent au Greffe de préparer son renvoi en RDC si son état de santé le permettait, mais insistèrent à nouveau sur la responsabilité des autorités néerlandaises de le placer sous leur contrôle si nécessaire[74].

Ces dispositions furent rappelées de nouveau par la Décision du 15 décembre 2011, les juges précisant - du fait de son état de santé - que l’autre témoin détenu restait détenu par la Cour sur le fondement de l’article 93-7-b du Statut jusqu’à son retour en RDC ou son transfert aux autorités néerlandaises[75].

 

4. Concernant l’autre témoin détenu devant les juridictions néerlandaises[76].

 

17.    Le 1er juin 2011 l’autre témoin détenu déposa sa demande d’asile auprès du SIN[77]. Ce dernier fit part de son refus de traiter la demande d’asile selon la procédure ordinaire prévue par la législation néerlandaise le 29 septembre 2011[78]. Sans que les raisons en soient mentionnées, il apparait que l’autre témoin détenu retira sa demande d’asile le 4 septembre 2012[79].

18.    Le requérant forma entre temps appel aux fins de voir le tribunal de district de La Haye statuer sur sa détention, qui fut rejeté le 27 octobre 2011[80]. Le Conseil d’État néerlandais confirma ce rejet le 22 mars 2012, soulignant l’incompétence des tribunaux néerlandais à examiner la légalité de la détention de témoins détenus par la RDC sous le contrôle de la CPI[81].

La question de la légalité de la détention de l’autre témoin détenu fut portée à l’attention de la CEDH sur le fondement de l’article 5 de la CSDH. La CEDH rendit sa décision le 9 octobre 2012 (Décision de la CEDH du 9 octobre 2012)[82], rejetant la requête pour incompatibilité ratione personae avec les dispositions de la CSDH[83]. Dans un premier temps, malgré le retrait par l’autre témoin détenu de sa demande d’asile, la CEDH estima approprié de ne pas rayer la requête du rôle, consciente des questions importantes soulevées par cette affaire au titre de l’article 1 de la CSDH, c’est-à-dire eu égard à la notion de juridiction, et soulignant que sa jurisprudence n’a pas pour unique but de régler les affaires portées devant elle mais aussi de préciser, sauvegarder et développer les dispositions de la CSDH[84]. Dans un second temps, elle décida que l’autre témoin détenu ne relevait pas de la juridiction des Pays-Bas - celui-ci étant détenu sur le fondement de l’accord conclu entre la CPI et la RDC en vertu de l’article 93-7 du Statut - dès lors qu’il n’était pas remis aux autorités néerlandaises à leur demande ou renvoyé en RDC[85]. Ne relevant pas de la juridiction des Pays-Bas, les autorités néerlandaises n’avaient donc aucune obligation d’assurer la protection des droits de l’homme de l’autre témoin détenu au regard de l’article 5 de la CSDH.

19.    En octobre 2012, il apparait que l’autre témoin détenu est « rentré » [86] en RDC.

 

5. Concernant d’autres personnes ayant demandé asile.

 

20.    Soulignons pour finir l’importance qu’ont pris cette affaire des témoins détenus et le problème des demandes d’asile soulevé plus généralement en lien avec la CPI.

Ainsi, rappelons que Mathieu Ngudjolo Chui, acquitté par la Chambre de première instance II le 18 décembre 2012 mais détenu par la suite par les autorités néerlandaises qui avaient l’intention de le renvoyer en RDC, déposa une demande d’asile auprès de celles-ci[87]. Sa détention se poursuit pendant sa demande d’asile.

Mentionnons également les refus opposés par le SIN à des demandes d’asiles déposées par d’autres personnes ayant témoignées devant la CPI[88]. Ces refus ont été annulés par un tribunal néerlandais le 8 mars 2013, à la suite d’une analyse au fond, le SIN devant prendre une nouvelle décision[89].

 

II - La Décision du 1er octobre 2013 et son Opinion dissidente.

 

21.    Attardons-nous maintenant sur la Décision du 1er octobre 2013 et son Opinion Dissidente.

 

1. Les dispositions pertinentes du Statut.

 

22.    La question épineuse soulevée devant la Cour, que ce soit eu égard aux demandes d’asile des trois témoins détenus ou de leur détention, repose sur deux dispositions du Statut dont l’application s’est révélée conflictuelle.

D’une part, le transfert des trois témoins détenus de la RDC à La Haye avait été rendu possible en vertu de l’article 93-7 du Statut. Cet article prévoit en son alinéa a) que « la Cour peut demander le transfèrement temporaire d’une personne détenue […] pour obtenir un témoignage ». Deux conditions sont nécessaires à ce transfert : que la « personne donne librement et en connaissance de cause son consentement » et que l’« État requis donne son accord au transfèrement, sous réserve des conditions dont cet État et la Cour peuvent convenir ». L’alinéa b) de cet article ajoute que la « personne transférée reste détenue » et qu’une « fois l’objectif du transfèrement atteint, la Cour renvoie sans délai cette personne dans l’État requis ». Dans l’affaire Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, le protocole d’accord conclu entre le Greffe et les autorités de la RDC insistait sur ce retour immédiat une fois le témoignage effectué[90].

D’autre part, l’article 21-3 du Statut fait, notamment, obligation à la Cour d’appliquer et d’interpréter le Statut et le Règlement de façon compatible avec les droits de l’homme internationalement reconnus.

23.    Parmi les droits de l’homme internationalement reconnus, sont en jeux, dans l’affaire des témoins détenus le droit d’asile, le droit à la liberté individuelle et le droit à un recours effectif.

Le droit d’asile, c’est-à-dire le droit d’avoir la possibilité de demander et d’obtenir l’asile dans un autre État, est consacré notamment par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (la Convention de Genève) du 28 juillet 1951, le Protocole relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967, la Déclaration universelle des droits de l’homme (la DUDH) du 10 décembre 1948 (article 14) et la Déclaration des Nations Unies sur l’asile territorial du 14 décembre 1967. Y fait écho le principe du non-refoulement « considéré comme une norme du droit international coutumier »[91].  Celui-ci a pour finalité de prévenir les expulsions, refoulements ou extraditions par un État vers un autre État où il existe pour la personne concernée un risque réel, notamment, d’atteinte à sa vie ou qu’elle soit soumise à la torture[92]. Substantiellement, les trois témoins détenus ont évoqué, eu égard à leur demande d’asile, quatre droits pour lesquels il existerait une violation ou un risque réel de violation par la RDC : le droit à la vie, l’interdiction de la torture, le droit à la liberté individuelle et le droit à un procès équitable. Ces droits de l’homme sont protégés notamment par la DUDH (articles 3, 5, 9 et 10), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le PIDCP) du 16 décembre 1966 (articles 6, 7, 9 et 14) et la CSDH (articles 2, 3, 5 et 6).

L’acception du droit à la liberté individuelle qui nous intéresse particulièrement ici a trait au droit à la légalité de la détention, consacré notamment par la DUDH (article 9), le PIDCP (article 9) et la CSDH (article 5). Ce droit protège fondamentalement les individus contre toute détention arbitraire. Bien qu’ayant une portée obligatoire régionale et non universelle[93], la CSDH est la plus explicite quant au droit à la liberté individuelle :

Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté

1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

a) s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;

b) s’il a fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi ;

c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;

d) s’il s’agit de la détention régulière d’un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l’autorité compétente ;

e) s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ;

f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

2.  Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.

3.  Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions  judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience.

4.  Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

5. Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. [nos soulignés]

Enfin, le droit à un recours effectif est consacré notamment par la DUDH (article 8), le PIDCP (article 2-3-a), la CSDH (article 13 et 34), la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (article 7-1-a) et la Convention américaine relative aux droits de l’homme (article 25)[94]. Ce droit à un recours effectif est essentiel pour assurer que les droits de l’homme internationalement reconnus soient protégés de façon « non pas théoriqu[e] ou illusoir[e], mais concr[ète] et effecti[ve] »[95] pour reprendre une formule de la CEDH.

24.    Dans la mesure où l’application immédiate de l’article 93-7-b du Statut pouvait entraîner une violation des droits de l’homme internationalement reconnus à l’égard des trois témoins détenus, la Chambre a dû se livrer à un exercice périlleux pour s’efforcer de parvenir à un équilibre qui se révèle précaire.

Contrairement à la requête des trois témoins détenus du 12 avril 2011, qui concernait spécifiquement le droit d’asile[96], la question de leur détention soulevée par la requête du 4 février 2013[97] a été jugée subtilement différente, la Chambre s’étant déclarée incompétente - la juge belge étant dissidente - pour statuer sur la légalité de leur détention.

 

2. Une divergence de point de vue quant à la compétence de la Cour pour statuer sur la détention des trois témoins détenus.

 

25.    Pour comprendre la Décision du 1er octobre 2013, il faut intégrer la question essentielle posée devant la CPI par l’affaire des témoins détenus : celle de la juridiction. C’est-à-dire déterminer qui a autorité sur les trois témoins détenus et par rapport à quoi.

Rappelons que les trois témoins détenus ont été privés de leur liberté par les juridictions militaires de la RDC dans l’attente d’un procès, qu’ils ont été placés sous la garde de la CPI pour déposer devant la Chambre et le sont toujours, et que leurs demandes d’asile sont analysées par les autorités néerlandaises.

Dès lors, que la Chambre ait opéré la répartition de juridiction suivante à l’égard des trois témoins détenus ne surprend pas : (1) aux autorités congolaises de se prononcer sur leur détention ; (2) à la Cour le rôle de statuer sur les questions en lien avec leur garde ; (3) aux autorités néerlandaises de s’occuper de leur procédure de demande d’asile.

Cependant, ce sont les interactions entre ces attributions qui sont venues poser problème. La Chambre a donc dû pour les trois témoins détenus répondre en substance à trois questions :

(a) Sur l’incidence de leur procédure de demande d’asile sur leur garde : la CPI doit-elle tenir compte de leur droit à un recours effectif lorsqu’elle statue sur leur maintien sous sa garde ?

(b) Sur l’impact de leur procédure de demande d’asile sur leur détention : la CPI, n’étant ni responsable de leur détention ni de leurs demandes d’asile, pouvait-elle statuer sur cette question ?

(c) Sur les liens existants entre leur garde et leur détention : la CPI, en charge de leur garde, est-elle compétente pour statuer incidemment sur la légalité de leur détention ?

Dans sa Décision du 9 juin 2011, la Chambre - reconnaissant sa compétence - est venue trancher la question (a), jugeant sur le fondement de l’article 21-3 du Statut que son rôle dans la garde des trois témoins détenus se limitait à leur fournir une possibilité réelle et effective de demander asile auprès du Royaume des Pays-Bas eu égard à l’universalité du droit d’asile et du droit à un recours effectif. Elle a ainsi décidé de différer la remise de leur garde à la RDC pendant les procédures de demandes d’asile et, en cas de succès de ces dernières, de ne pas procéder à cette remise.

Dans la plupart de ses décisions dans l’affaire des témoins détenus, la Chambre est venue se positionner indirectement sur la question (b). Ainsi, elle a à chaque fois refusé d’intervenir, se retranchant, d’une part, derrière la nécessité d’obtenir une décision concertée entre la CPI, la RDC et le Royaume des Pays-Bas[98] et, d’autre part, derrière la compétence des autorités congolaises à décider de mettre fin à cette détention et des autorités néerlandaises à décider d’assurer cette détention[99].

La question (c) a entraîné un désaccord entre les juges de la Chambre. Alors que la majorité est venue définir dans la Décision du 1er octobre 2013 la juridiction de la CPI à l’égard de la garde des trois témoins détenus d’une façon très restrictive excluant toute compétence eu égard à la légalité de leur détention, Mme la juge Christine Van den Wyngaert a estimé dans son Opinion dissidente que la Décision du 9 juin 2011 avait implicitement conféré à la Cour la coresponsabilité de cette détention. Partant, elle s’est positionnée sur la question de la légalité de celle-ci.

26.    Dans la Décision du 1er octobre 2013, les juges de la majorité ont d’abord décidé qu’il existait une distinction substantielle entre la détention proprement dite des trois témoins détenus et leur garde[100], la Cour étant uniquement et strictement responsable de leur garde. À ce titre, ces juges ont rappelé que « depuis leur arrivée à La Haye, [la Chambre] n’a rendu aucune décision ordonnant leur maintien en détention ou la prolongation de celle-ci. Elle s’est bornée à préciser […] que, durant le déroulement de la procédure de consultation qu’elle préconisait, les trois intéressés “demeureraient sous sa garde” »[101]. Les deux juges ont souligné la très faible marge de manœuvre due aux positions adoptées par les autorités néerlandaises et congolaises, la Chambre n’ayant eu d’autre choix que d’assurer cette garde[102]. Ils ont aussi ajouté que « l’article 93-7 du Statut ne constitue […] pas un titre de détention, c’est-à-dire un acte judiciaire autorisant l’incarcération de témoins déjà détenus »[103].

Le juge français et la juge malienne en ont conclu que la Chambre n’était compétente pour statuer ni sur la légalité du titre de détention délivré par les autorités congolaises[104] ni sur la nécessité du maintien en détention[105] ni sur la mise en liberté[106]. Pour soutenir leur position, ils ont retenu plusieurs considérations :

(1) La nature de la CPI qui n’est pas « une cour des droits de l’homme, ce qu’il n’a jamais été prévu qu’elle soit, et l’article 21-3 du Statut ne lui impose pas de veiller à ce que, dans le cadre de leurs procédures nationales, les États parties fassent application des droits de l’homme internationalement reconnus »[107].

(2) L’essence des procédures de coopération définies par le Statut et le principe fondamental de souveraineté des États auxquels il serait porté atteinte « si le seul fait d’assurer la garde de témoins pour une certaine période dans le cadre d’un accord de coopération suffisait à rendre la Chambre compétente pour se prononcer sur le bien-fondé de leur détention »[108].

(3) Alors que « la seule façon de respecter la norme impérative de non-refoulement était […] de suspendre temporairement l’article 93-7 du Statut et de ne pas l’appliquer en cas d’accueil favorable de la demande d’asile »[109], « le droit à la liberté (et l’interdiction de faire l’objet d’une arrestation et d’une détention arbitraires qui en est le corolaire) admettant de nombreuses dérogations, ne peut être considéré comme une norme intransgressible ou impérative de droit international »[110] ; la « non-application de l’obligation de maintenir en détention inscrite à l’article 93-7 du Statut, dont la conséquence immédiate est la remise en liberté, ne constitue donc pas la seule façon de respecter le droit à la liberté des témoins détenus »[111].

(4) Les trois témoins détenus détiennent un droit réel de réexamen de leur détention puisqu’ils ont la possibilité de demander un tel réexamen auprès des autorités congolaises[112].

(5) Les autorités néerlandaises pourraient intervenir en prenant les mesures nécessaires si elles estimaient « que la détention congolaise se prolonge, pour une raison ou pour une autre, sur leur territoire d’une manière qui va à l’encontre de leurs engagements internationaux »[113].

27.    Dans son Opinion dissidente, la juge belge a estimé que l’article 21-3 du Statut rendait la Cour compétente pour se prononcer sur la détention des trois témoins détenus[114], retenant au contraire de la majorité que :

(1) La distinction établie entre la détention et la garde était artificielle, en ce sens qu’au moins depuis que la Chambre a décidé de suspendre leur renvoi en RDC par sa Décision du 9 juin 2011, la Cour est devenue coresponsable de leur situation en attendant l’issue de la procédure de demande d’asile, « tant qu’ils demeurent physiquement détenus par elle »[115].

(2) L’article 93-7 du Statut, qui ne prévoit pas la possibilité d’une mise en liberté d’un témoin détenu transféré, révèle un vide juridique étant donné les circonstances exceptionnelles et imprévisibles de la cause[116].

(3) L’article 21-3 du Statut ne fait pas de distinction entre les droits de l’homme internationalement reconnus et impose d’interpréter l’article 93-7 du Statut en accord à la fois avec le droit d’asile et le principe du non-refoulement mais aussi le droit « tout aussi fondamental de ne pas être détenu arbitrairement »[117].

(4) Le recours suggéré devant les autorités congolaises est « totalement déplacé »[118] du fait qu’il pourrait porter préjudice à leurs demandes d’asile qui avaient justement pour objet de se soustraire à leur autorité et d’en être protégées.

(5) L’idée qu’il appartiendrait aux autorités néerlandaises de suppléer au défaut de la Cour de prendre les mesures nécessaires pour protéger leurs droits fondamentaux est « totalement inappropriée »[119].

Sur la base de cette compétence, la juge dissidente a conclu que la détention des trois témoins détenus était devenue arbitraire[120], du fait :

(a) De l’impossibilité de prévoir la durée de cette détention[121].

(b) Que la procédure d’asile n’offre pas en soi de justification pour la détention[122].

(c) Que la seule justification de la détention est maintenant la coopération entre la CPI et la RDC - du fait de l’obligation de renvoi imposée par l’article 93-7-b du Statut dans le cas où la demande d’asile serait refusée - ; justification disproportionnée eu égard à la privation de liberté subie et à la présomption d’innocence dont les trois témoins détenus bénéficient toujours en l’absence de condamnation[123].

Elle termine en soulignant que leur libération immédiate s’imposait pour remédier à la violation de leurs droits[124].

 

III - Une esquisse de solution.

 

28.    Une fois n’est pas coutume, je souhaite me positionner sur cette affaire des témoins détenus et particulièrement sur la Décision du 1er octobre 2013 et son Opinion dissidente, ses enjeux et son cas exceptionnel et sans réel précédent méritant que le débat juridique soit enrichi.

La position adoptée par la Cour dans cette affaire des témoins détenus est problématique à mes yeux, d’une part, parce qu’elle a, à mon sens, pour effet de priver les trois témoins détenus, ou du moins dans des probabilités élevées, de recours au fond devant la CEDH (1) et, d’autre part, parce qu’une solution juridiquement plus satisfaisante aurait pu être trouvée concernant leur détention (2).

 

1. Un enjeu fondamental : l’ouverture du recours devant la CEDH.

 

29.    La question d’un éventuel recours pour les trois témoins détenus devant la CEDH se pose à deux niveaux : (1) eu égard à leur détention actuelle au centre de Scheveningen ; (2) eu égard aux quatre droits fondamentaux (le droit à la vie, l’interdiction de la torture, le droit à la liberté individuelle et le droit à un procès équitable) pour lesquels il existerait selon eux une violation ou un risque réel de violation par la RDC s’ils y étaient renvoyés.

30.    Concernant le premier niveau, le recours devrait se fonder sur l’article 5 de la CSDH (droit à la liberté et à la sureté), article invoqué par l’autre témoin détenu lors de son recours devant la CEDH[125].

31.    Concernant le second niveau, en matière d’expulsion (au sens large), la CEDH peut opérer un contrôle juridictionnel « par ricochet ». Cela signifie que lorsqu’un État partie à la CSDH[126] expulse des personnes sous sa juridiction vers un autre État, la CEDH a la possibilité de condamner cet État partie lorsqu’il existe « des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on l’expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel »[127] de voir certains de ses droits fondamentaux violés. La CEDH possède en sus, pour assurer l’effectivité de cette protection par ricochet, le pouvoir d’ordonner des mesures provisoires de non-expulsion lorsque l’intéressé est sur le point de l’être[128].

Cette protection par ricochet n’assure pas aux individus une protection de tous leurs droits fondamentaux, mais seulement de certains. Jusqu’à présent, la CEDH a mis fréquemment en œuvre cette protection eu égard aux articles 3 (interdiction de la torture) et 13 (droit de recours effectif) de la CSDH[129]. L’interprétation de la jurisprudence de la CEDH a permis de conclure que cette protection était également valable, parce qu’intimement liée, en vertu de l’article 2 (droit à la vie) de la CSDH, même si en pratique la CEDH préfère se placer sous l’égide de l’article 3[130]. De façon plus récente, la CEDH a reconnu la protection par ricochet sur le fondement de l’article 5 (droit à la liberté et à la sureté) de la CSDH[131]. Enfin, pour la première fois, la CEDH est venue en 2012 estimer que l’expulsion d’un intéressé serait contraire à l’article 6 de la CSDH « en raison du risque réel que soient admis à son nouveau procès des éléments de preuve obtenus par la torture pratiquée sur des tiers »[132].

Ainsi, en théorie, un individu originaire de la RDC, sur le territoire des Pays-Bas et en voie d’expulsion - ou de « renvoi » - vers ce pays par les autorités néerlandaises pourrait former un recours devant la CEDH pour faire reconnaître une violation des articles 2, 3, 5 et 6 de la CSDH et demander une mesure provisoire de non-expulsion le temps que sa requête soit examinée.

32.    Cependant, la difficulté qui apparait dans l’affaire des trois témoins détenus réside dans la toute première condition de la compétence de la CEDH pour traiter d’une requête alléguant une violation des droits de l’homme : la juridiction de l’État défendeur sur les requérants.

En effet, l’article 1 de la CSDH fait obligation aux États parties à la CSDH d’assurer la protection des droits de l’homme uniquement à l’égard de « toute personne relevant de leur juridiction ». Ainsi, si les trois témoins détenus ne relèvent pas de la juridiction des Pays-Bas, la voie de recours offerte par la CSDH devant la CEDH ne leur est pas accessible.

À mes yeux, toute la stratégie des autorités néerlandaises dans cette affaire des témoins détenus repose justement sur la non-reconnaissance de sa juridiction sur les trois témoins détenus[133]. Le but ultime de cette stratégie me semblant être de vouloir échapper à un contrôle de la CEDH à la fois sur leur détention mais aussi concernant leur renvoi en RDC - dans la mesure où leurs demandes d’asile seraient refusées et où leur renvoi serait par conséquent ordonné par la CPI. La position arrêtée dans la Décision de la CEDH du 9 octobre 2012 ainsi que celles de la CPI, des autorités néerlandaises et congolaises, me font craindre que cette stratégie porte ses fruits.

33.    Avant d’envisager la question de la juridiction des Pays-Bas sur les trois témoins détenus, je voudrais m’attarder sur l’importance que le recours devant la CEDH leur soit ouvert.

Je suis fondamentalement d’accord avec la majorité dans sa Décision du 1er octobre 2013 lorsqu’elle rappelle le rôle limité de la CPI : ce n’est pas « une cour des droits de l’homme »[134]. Sa fonction principale n’est pas de régler les cas de violation alléguée des droits de l’homme des ressortissants des États parties au Statut. Cette fonction appartient, au sein du Conseil de l’Europe, à la CEDH.

Néanmoins, il serait déraisonnable que la position adoptée par la CPI place les témoins venant déposer devant elle sur un plan d’inégalité. En effet, un témoin de la CPI venant déposer librement à La Haye pourrait former une demande d’asile auprès des autorités néerlandaises une fois sur son territoire. Il pourrait invoquer le principe du non-refoulement pour éviter que ses droits fondamentaux protégés par les articles 2, 3, 5 et 6 de la CSDH ne soient violés. La juridiction des Pays-Bas à son égard ne ferait aucun doute et il pourrait saisir la CEDH pour permettre à celle-ci d’opérer son contrôle sur les autorités néerlandaises. À l’inverse, s’il est avéré que les trois témoins détenus transférés à La Haye ne relèvent pas de la juridiction des Pays-Bas, aucun contrôle de la CEDH ne sera possible sur les décisions des autorités néerlandaises, étant donné que la CPI refuse un tel contrôle. Or, il me semble que ce sont justement des personnes détenues dans leur pays d’origine qui ont le plus à craindre pour leurs droits fondamentaux du fait de l’emprise exercée sur elles par les autorités nationales[135]. Ce sont donc pour ces personnes détenues qu’un droit de recours devant la CEDH devrait être au mieux assuré. Certes, la CPI a ordonnée que leur situation soit évaluée par le Greffe, cependant pour les seuls risques liés à leur collaboration avec la Cour, celle-ci ayant rejeté toute responsabilité pour l’évaluation des risques de violations des droits de l’homme de la part de l’État d’origine auxquels des témoins demandant l’asile feraient face[136].

Que la CEDH exerce son contrôle dans cette situation m’apparait comme essentielle. D’une part, si la CPI ne se déclare pas compétente pour un tel contrôle, qu’elle s’efforce de rendre possible le contrôle par la CEDH de la protection des droits de l’homme exigée des autorités néerlandaises sur son territoire. D’autre part, par là-même, la CPI donnerait toute sa substance au droit des trois témoins détenus à un recours effectif tel que mis en avant dans sa Décision du 9 juin 2011[137].

34.    Je vais maintenant m’efforcer de pointer du doigt, pour chacun des deux niveaux de recours évoqués (voir supra paragraphe 29), les obstacles qui me feraient conclure que le recours devant la CEDH ne serait pas recevable si les trois témoins détenus en formaient un, ou du moins assez peu probable, parce que se trouvant en dehors de la juridiction des Pays-Bas.

Tout d’abord, il faut rappeler que la notion de juridiction au sens de l’article 1 de la CSDH est « principalement »[138], « essentiellement »[139] territoriale : un État est présumé exercer normalement sa  compétence juridictionnelle sur l’ensemble de son territoire[140]. Ainsi, les Pays-Bas sont présumés exercer leur juridiction sur les trois témoins détenus.

Cependant, cette présomption « peut se trouver limitée dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque l’État concerné est dans l’incapacité d’exercer son autorité sur une partie de son territoire »[141]. Les trois témoins détenus se trouvant au centre de détention des Nations Unies, il convient alors de rechercher dans quels cas la juridiction des Pays-Bas peut se retrouver limitée sur son territoire.

À ce titre, la CEDH a déclaré que « la Convention n’interdit pas aux Parties contractantes de transférer des pouvoirs souverains à une organisation internationale (y compris supranationale) à des fins de coopération dans certains domaines d’activité »[142], sans toutefois être « exonéré[e]s de toute responsabilité »[143]. Le Royaume des Pays-Bas ayant ratifié le Statut et l’Accord de siège entre la CPI et l’État hôte (l’Accord de siège), il apparaît que la juridiction de la CPI limite celle des autorités néerlandaises. Reste à savoir quelle est la part de responsabilité revenant aux Pays-Bas sur les trois témoins détenus.

La CEDH précise que les limites exceptionnelles à la juridiction d’un État partie sur son territoire dépendront de « l’ensemble des éléments factuels objectifs de nature à limiter l’exercice effectif de l’autorité d’un État sur son territoire »[144] et du comportement de cet État auquel « il incombe […] de prendre toutes les mesures appropriées qui restent en son pouvoir »[145]. Elle a ajouté cependant que la tenue d’un procès par une juridiction internationale sur le territoire d’un État partie ne suffisait pas en soi pour que cet État voit sa responsabilité mise en jeu en raison de ce procès[146].

35.    Concernant la détention actuelle des trois témoins détenus, rappelons que la CEDH a retenue pour l’autre témoin détenu qu’il ne relevait pas de la juridiction des autorités néerlandaises, dès lors que celles-ci ne demandait pas sa remise et qu’il n’était pas renvoyé en RDC[147]. Pour arriver à cette conclusion, elle a souligné plusieurs éléments déterminants :

(a) Qu’il  était « impensable qu’une juridiction pénale, nationale ou internationale, n’ait pas le pouvoir de s’assurer de la comparution de témoins, que ce soit pour le compte de l’accusation ou de la défense. Le pouvoir de les maintenir en détention, soit parce qu’ils ne sont pas disposés à témoigner soit parce qu’ils sont déjà détenus pour d’autres raisons est un corollaire nécessaire »[148].

(b) Que le fondement de sa détention résidait dans l’accord de coopération conclu entre la CPI et la RDC en vertu de l’article 93-7 du Statut[149], tel que cela était reflété dans l’Ordonnance du 1er septembre 2011 et la Décision du 15 décembre 2011[150]. Ainsi, la CEDH accorde de l’importance à ce que la CPI décide ou déclare.

(c) Que la CPI possède le pouvoir d’ordonner des mesures de protection des témoins pour protéger leurs droits fondamentaux, pouvoir dont elle avait fait usage en l’espèce[151].

(d) Que la CSDH « n’impose pas à un État qui a accepté d’accueillir un tribunal pénal international sur son territoire le fardeau d’examiner la légalité de la privation de liberté fondée sur des accords légalement conclus entre ce tribunal et des États non parties »[152].

Au vu de la position adoptée par la Chambre dans ses diverses décisions relativement au fondement de la détention des trois témoins détenus et des mesures de protection ordonnée par elle, rien ne permet de s’écarter d’une telle conclusion si ces derniers voulaient former un recours devant la CEDH. Ils pourraient avancer que les mesures de protection ordonnées l’ont été au seul vu des risques liés à leur collaboration avec la Cour, et non au vu des risques de violations des droits de l’homme de la part de la RDC, mais je doute que cela y change beaucoup. Peut-être que si la détention se prolonge indéfiniment la CEDH changera sa position, mais cela interviendrait trop tard pour éviter la continuation actuelle de cette détention.

36.    Eu égard au droit d’asile des trois témoins détenus, rappelons que la CPI a reconnu la compétence exclusive des Pays-Bas pour se prononcer sur la question[153]. Cependant, ni la CSDH ni ses Protocoles additionnels ne consacrent le droit d’asile, laissant aux États « le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux »[154]. Aucun recours devant la CEDH n’est ouvert directement pour les trois témoins détenus en cas de refus par les autorités néerlandaises de leurs demandes d’asile.

Cependant, c’est lors de leur « expulsion […][,] extradition ou toute autre mesure d’éloignement d’un étranger »[155] - donc un « renvoi » au sens de l’article 93-7 du Statut - qu’un recours leur serait potentiellement ouvert sur la base des articles 2, 3, 5, 6 et 13 de la CSDH. Or, la Chambre a insisté sur le fait que leur renvoi relevait de « son obligation statutaire »[156]. Est-ce à dire que le renvoi des trois témoins détenus ne relève aucunement de l’autorité des autorités néerlandaise ? C’est sur ce point que peut résider à mon sens la seule chance pour les trois témoins détenus de voir reconnaître la juridiction des Pays-Bas sur leur renvoi et d’effectuer un recours devant la CEDH sur cette base. En effet, les trois témoins détenus seraient immanquablement renvoyés en RDC avec la coopération des autorités néerlandaises qui s’assureraient de leur transport du centre de détention des Nations Unies jusqu’à l’aéroport. Est-ce que cette intervention de leur part suffirait à voir leur juridiction établie ?

37.    Dans cette situation, la CEDH a déjà décidé eu égard aux organisations internationales que « dès lors qu’il est constant que l’organisation en question accorde aux droits fondamentaux (cette notion recouvrant à la fois les garanties substantielles offertes et les mécanismes censés en contrôler le respect) une protection à tout le moins équivalente à celle assurée par la Convention »[157], une mesure de l’État partie prise en exécution de ses obligations juridiques résultant de son adhésion à cette organisation « doit être réputée justifiée »[158].

Il ne fait guère de doute que la CEDH juge que la CPI accorde aux droits fondamentaux une protection équivalente à celle assurée par la CSDH. C’est ce qu’elle a déjà fait implicitement dans sa Décision de la CEDH du 9 octobre 2012. Il lui suffirait par ailleurs de constater que la CPI a été bâtie dans le respect des droits de l’homme tel que consacré par l’article 21-3 du Statut et que des dispositions spécifiques ont été prévues pour assurer au mieux la protection des témoins de la CPI. Ainsi, toute mesure prise par les autorités néerlandaises en exécution de ses obligations juridiques envers la Cour serait réputée justifiée. Est-ce que le transport des trois témoins détenus par les autorités néerlandaises du centre de détention des Nations Unies jusqu’à l’aéroport passerait-il pour une « obligation juridique » envers la CPI ?

Pour répondre à cette question, il faut rappeler que la CEDH fait une distinction entre (a) l’exécution des obligations juridiques résultant de l’adhésion de l’État partie à l’organisation en question et (b) les actes « ne relevant pas strictement de ses obligations juridiques internationales »[159], pour lesquels l’État demeure entièrement responsable. Dans la jurisprudence de la CEDH, il apparait que des actes peuvent tomber sous l’empire du (b) lorsque l’État a une marge d’appréciation et suivant l’utilisation qu’il en fait (b1) ou s’il a librement souscrit aux instruments internationaux en cause (b2)[160].

Le transport des trois témoins détenus par les autorités néerlandaises serait effectué par les autorités néerlandaises en vertu de l’exécution d’une décision de la Chambre. L’exécution de cette décision trouve son fondement légal dans l’Accord de siège où l’article 44-2 relatif au transfèrement de détenus dispose que « [l]e transfèrement d’un détenu, conformément au Statut et au Règlement de procédure et de preuve, des locaux de la Cour au point de départ de l’État hôte est effectué, à la demande de la Cour, par les autorités compétentes en consultation avec elle ». D’emblée, j’écarte cette situation du cas (b2) : l’Accord de siège a été adopté conformément à l’obligation imposée par l’article 3-2 du Statut[161]. Est-ce que l’État néerlandais dispose d’une marge d’appréciation dans le transfèrement des trois témoins détenus au vu de l’article 44-2 de l’Accord de siège ?

Le texte de l’article 44-2 de l’Accord de siège mentionne la « consultation » entre la Cour et les autorités néerlandaises. Pour déterminer s’il s’agit d’une marge d’appréciation pour l’État hôte, il convient de préciser les éléments entrant en ligne de compte :

(1) En vertu de l’article 33-1 de l’Accord de siège, « [d]ans les tous cas où le présent Accord impose des obligations aux autorités compétentes, la responsabilité du respect de ces obligations incombe en dernier ressort à l’État hôte ».

(2) En vertu de l’article 44-5 de l’Accord de siège, « [l]orsque l’État hôte est saisi d’une demande au titre du présent article et constate qu’elle soulève des difficultés qui pourraient en empêcher l’exécution, il consulte la Cour sans tarder en vue de régler la question ». S’en suit une liste indicative de difficultés.

(3) S’agissant de la question de la détention des trois témoins détenus, la Chambre « dès les premières décisions qu’elle a rendues, […] a manifesté son souci de parvenir, “de toute urgence”, à une solution concertée »[162]. La Chambre a notamment demandé aux autorités néerlandaises, « si elles se considéreraient comme tenues d’accueillir les témoins en application de l’article 48 de l’Accord de siège au cas où la Cour jugerait déraisonnable de maintenir ceux-ci en détention sur le fondement de l'article 93-7 du Statut »[163].

Ainsi, non seulement les autorités néerlandaises disposent d’une marge d’appréciation, mais il ressort aussi de la jurisprudence de la CPI que les juges de la Cour ont de façon générale le souci de respecter cette marge d’appréciation. Pour autant, est-ce que cette marge d’appréciation dans le cas des trois témoins détenus pourrait faire entrer leur transport du centre de détention des Nations Unies vers l’aéroport sous l’entière responsabilité de l’État hôte ?

À mes yeux, la seule marge d’appréciation dont disposeraient les autorités néerlandaises serait de vérifier si le principe du non-refoulement l’empêcherait a priori de renvoyer les trois témoins détenus en RDC. Je précise « a priori » dans le sens où l’article 44-2 de l’Accord de siège ne permet pas à l’État hôte une remise en cause de la décision de la CPI, mais seulement de constater des difficultés d’exécution. Sur ce point, n’oublions pas que leur renvoi en RDC serait conditionné au refus de leurs demandes d’asiles par les autorités néerlandaises et sous le contrôle des juridictions néerlandaises. Ainsi, l’État hôte pourrait, soit constater qu’il n’y a pas lieu d’examiner la question de l’application du principe du non-refoulement puisque cette question aurait déjà été posée et réglée en substance devant les juridictions internes, soit au contraire viser les décisions internes pour conclure que le principe du non-refoulement serait respecté, ce qui reviendrait au même. Je ne pense pas que cette appréciation somme toute minimale déclencherait l’entière responsabilité des Pays-Bas : le transport des trois témoins détenus par les autorités néerlandaises du centre de détention des Nations Unies jusqu’à l’aéroport serait effectué en exécution de ses obligations juridiques résultant de l’adhésion de l’État partie à l’organisation en question. Dès lors, cette mesure serait réputée justifiée et les droits de l’homme présumés garantis.

38.    Pour autant, cette présomption n’est qu’une présomption simple qui peut être « renversée dans le cadre d’une affaire donnée si l’on estime que la protection des droits garantis par la Convention était entachée d’une insuffisance manifeste »[164]. Ainsi, la CEDH pourrait tout de même exercer son contrôle, mais son seuil de déclenchement serait beaucoup plus élevé puisqu’il nécessiterait une insuffisance manifeste dans la protection offerte par la CPI. Je ne crois pas qu’il serait atteint.

Pour écarter cette insuffisance manifeste, la CEDH pourrait principalement retenir que :

(a) La Décision du 9 juin 2011, qui offre aux trois témoins détenus une possibilité réelle d’exercer leur droit d’asile et prévoit que des mesures de protection seraient prises en RDC, avait amplement assuré une protection équivalente.

(b) Suivant sa jurisprudence, « les États n’ont, en principe, aucune obligation de permettre aux étrangers d’attendre l’issue des procédures d’immigration sur leur territoire »[165].

Un espoir pour les trois témoins détenus, qui me semble assez mince pour parvenir au niveau de l’insuffisance manifeste, pourrait être d’invoquer :

(a) Que les mesures de protection ordonnées l’ont été au seul vu des risques liés à leur collaboration avec la Cour, et non au vu des risques de violations des droits de l’homme de la part de la RDC.

(b) Que leur détention sur le territoire des Pays-Bas se prolonge depuis une durée déraisonnable - ce qui dépendra de la durée de la procédure totale que l’on ne peut estimer pour l’instant -, sans réexamen effectif de sa légalité.

(c)  Que la Chambre a précisé dans sa Décision du 1er octobre 2013 que « [s]i l’asile devait être refusé aux [trois] témoins détenus et si les autorités néerlandaises considéraient qu’ils peuvent être reconduits en RDC sans que ce renvoi constitue une violation du principe de non-refoulement »[166]. Cette indication de la Chambre irait dans le sens de la reconnaissance d’une marge de manœuvre importante à l’État hôte. Cependant, j’ai déjà essayé d’expliquer pourquoi je crois cet argument largement affaibli[167].

Voilà pourquoi je conclurai à l’absence de juridiction du Royaume des Pays-Bas sur les trois témoins détenus et à l’irrecevabilité de leurs recours devant la CEDH tant pour la question de leur détention actuelle que de leur renvoi en RDC dans l’hypothèse où leurs demandes d’asiles seraient rejetées.

Cependant, cette situation aurait-elle été différente si la Chambre avait traité différemment la question de leur détention et qu’elle s’était déclarée compétente ?

 

2. La légalité de la détention.

 

39.    Bien que je sois d’accord avec certains des principes et arguments avancés tant par les juges de la majorité dans leur Décision du 1er octobre 2013 que par la juge belge dans son Opinion dissidente, je suis en désaccord sur un certain nombre d’entre eux, qui m’auraient conduit à une solution différente.

40.    Tout d’abord, afin d’examiner la question de savoir si la Chambre est compétente pour se prononcer sur la légalité de la détention des trois témoins détenus, je suis en accord avec la majorité pour dire qu’il y a une distinction substantielle entre leur détention et leur garde.

Pour cela, je me base sur la jurisprudence de la CEDH précédemment citée[168] qui reconnaît la nécessité pour les juridictions pénales, tant nationales qu’internationales, de pouvoir s’assurer de la comparution de témoins déjà détenus et à cette fin de pouvoir les « maintenir en détention »[169] - maintien que j’assimile à une « garde » telle qu’entendue par la Chambre, la garde étant alors un des aspects de la détention. J’ajoute que cette capacité évoquée est d’autant plus vitale pour les juridictions pénales internationales qui dépendent de la coopération des États pour leur bon fonctionnement. Dans le cas d’espèce, je suis d’avis que la Cour exerce bien sa « garde » sur les trois témoins détenus. Je dirais que les autorités de la RDC avait la charge, jusqu’à leur transfèrement le 27 mars 2011, de leur détention - et de leur garde sous-jacente -, mais que leur garde a été transférée à la CPI à partir de cette date. La Cour possédait à ce moment-là la garde des trois témoins détenus, eu égard à leur détention par les autorités congolaises.

41.    À partir de cette conclusion, je me demanderais en vertu de quel fondement la CPI assure-t-elle aujourd’hui la garde des trois témoins détenus. À cet égard, je suis d’accord avec la juge belge pour dire que la Décision du 9 juin 2011 a entraîné un changement fondamental de leur détention et qu’il existe une coresponsabilité de leur détention.

Néanmoins, contrairement à ce qu’a avancé la juge dissidente, je ne crois pas qu’il s’agisse d’une coresponsabilité partagée entre la RDC et la CPI, mais plutôt d’une coresponsabilité revenant à la fois à la RDC et à l’État néerlandais. Il est incontestable que la détention par la RDC des trois témoins détenus demeure, celle-ci n’ayant été réexaminée ni par la RDC, ni par la CPI, ni par les Pays-Bas, ni par la CEDH.

Cependant, il me semble que la garde exercée par la CPI l’est non seulement en vertu de l’accord explicite passé avec les autorités congolaises, mais également et implicitement en vertu des procédures de demande d’asile engagées devant les autorités néerlandaises et de la position adoptée par ces dernières. Plusieurs éléments militent à mon sens à retenir cet état de fait, notamment :

(1) En l’absence des procédures de demande d’asile engagées auprès de l’État hôte, la Cour aurait mis fin à leur garde et aurait ordonné leur renvoi en RDC. Les autorités néerlandaises auraient dû assurer la mise en œuvre de cette obligation de renvoi imposée à la Cour par l’article 93-7 du Statut. Il s’ensuit que les Pays-Bas en acceptant d’examiner leurs demandes d’asile possèdent de fait une responsabilité sur la garde des trois témoins détenus par la Cour. Ce point ne vient pas contredire la Décision de la CEDH du 9 octobre 2012 lorsqu’elle estime que la reconnaissance par les autorités néerlandaises de sa compétence à examiner leurs demandes d’asile n’implique pas que ces autorités aient accepté le réexamen de la légalité de leur détention[170]. En effet, la CEDH fait ici référence à la légalité de la détention par les autorités congolaises.

(2) Dans l’hypothèse où ces personnes n’auraient pas été détenues, il aurait appartenu à l’État hôte, dans l’attente du règlement de leurs procédures de demande d’asile, soit de les renvoyer en RDC soit d’assurer leur détention. Ce qui renforce sa responsabilité sur leur détention.

(3) Du fait de son refus de prendre en charge leur détention, l’État hôte a une autorité dans le maintien de la garde des trois témoins détenus par la Cour. Ce qui milite en faveur d’une garde des trois témoins détenus par la Cour au titre d’une « décision » des autorités néerlandaises.

(4) La Chambre s’est estimée liée par le refus, exprimé par note verbale[171], des autorités néerlandaises d’accepter la poursuite de la détention des trois témoins détenus[172]. Dès lors, ce refus des autorités néerlandaises s’apparente de fait à une « décision » imposée à la CPI.

42.    Ceci déterminé, j’examinerai la compétence de la Chambre quant au réexamen de la détention des trois témoins détenus. À cet égard, alors que les juges ont pris position soit pour une absence totale de compétence dans le cas de la majorité soit pour un réexamen complet dans le cas de la juge belge, je retiendrais une compétence indirecte de la Chambre.

Je rappelle que je suis fondamentalement d’accord avec la majorité : la CPI n’est pas « une cour des droits de l’homme »[173]. Pour autant, si la Cour n’a pas vocation à contrôler la légalité de la détention des trois témoins détenus, cela n’implique pas qu’elle ait une impossibilité absolue de contrôle. À mon sens, puisque la Cour à la responsabilité de leur garde, elle a compétence pour s’assurer de la légalité de cette garde, ce qui peut indirectement l’amener à un contrôle du fondement de cette garde. Je rajoute, eu égard au contrôle de la légalité de la garde, que le fait de distinguer la « garde » de la « détention » implique nécessairement qu’il soit opéré à la fois un contrôle de la légalité de la détention et un contrôle de la légalité de la garde, à moins de vider de son sens et de toute sa protection le droit à la liberté. Ainsi, je crois que la Cour est compétente pour :

(1) S’assurer de la légalité de la garde des trois témoins détenus sur le fondement de leur détention par les autorités congolaises.

(2) S’assurer de la légalité de leur garde sur le fondement de la « décision » des autorités néerlandaises.

Pour déterminer si la garde est légale, je crois que la Chambre devrait se livrer à un contrôle de la légalité manifeste de leur fondement suivant le raisonnement suivant :

(a) La Cour n’est pas compétente pour contrôler directement la légalité de leur fondement, celle-ci appartenant respectivement à l’État hôte et à la RDC.

(b) La Cour est cependant compétente pour contrôler la légalité de la garde des trois témoins détenus.

(c) Pour se faire, la Cour devrait présumer une légalité des actes pris par la RDC et l’État hôte, sans toutefois que cette présomption soit irréfragable. Sur ce point, la façon dont la CEDH traite le contrôle qu’elle exerce sur les actes pris par les États parties en lien avec leurs engagements internationaux me semble une source d’inspiration des plus pertinente.

43.    En aparté, je dois dire que je suis en total désaccord avec la majorité lorsqu’elle soutient que « le droit à la liberté (et l’interdiction de faire l’objet d’une arrestation et d’une détention arbitraires qui en est le corolaire) admettant de nombreuses dérogations, ne peut être considéré comme une norme intransgressible ou impérative de droit international »[174].

À mes yeux, lorsque j’analyse les textes pertinents[175], il n’existe qu’une seule exception ou dérogation au droit à la liberté : la privation légale de liberté, c’est-à-dire lorsque prévue par la loi et exécutée suivant la loi. De plus, l’interdiction des arrestations et détentions arbitraires n’est pas à mon sens un corolaire au droit à la liberté, mais au contraire l’objectif de ce droit[176]. Enfin, l’article 5 de la CSDH et la jurisprudence de la CEDH font état d’une liste limitative, exhaustive et d’interprétation étroite de cas où la privation légale de liberté est possible[177].

Ainsi, non seulement le droit à la liberté est une norme impérative, mais de plus elle a à mon sens une portée plus importante que le principe du non-refoulement, étant donné que pour ce dernier les instruments internationaux consacrant sa protection divergent quant à sa portée, protégeant, suivant les cas, le droit à la vie, l’interdiction des persécutions, le droit à la liberté etc.[178].

44.    Concernant l’appréciation de la légalité manifeste de la détention des trois témoins détenus par la RDC, sans me prononcer sur la question, je crois que certains éléments seraient intéressants à prendre en compte :

(a) Je dirais que la Chambre possède déjà un contrôle indirect de leur détention en ce sens que, pour que l’article 93-7 du Statut s’applique, la Chambre doit auparavant constater que le témoin à transférer est bien « détenu » dans l’État requis. Ainsi, sans un constat de détention, cet article n’est pas applicable.

(b) Manifestement, lors de ce constat, la Chambre se base sur la légalité de cette détention à première vue. Ainsi, constatant que les trois témoins détenus faisaient l’objet d’un titre de privation de liberté émis par les juridictions congolaises, l’article 93-7 du Statut a pu être mis en œuvre.

(c) Concernant les mesures de protection ordonnées en prévision du renvoi des trois témoins détenus en RDC, la Chambre s’est déjà livrée à une appréciation manifeste des mesures mises en place ou à mettre en place par les autorités congolaises. Dès lors, pourquoi ne pourrait-elle faire de même concernant non plus les conditions de détention en RDC mais la légalité même de la détention.

(d) Il serait intéressant d’étudier la façon dont la coopération judiciaire fonctionne, par exemple au sein de l’Union européenne avec la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les membres de l’Union européenne du 29 mai 2000. Il faudrait vérifier dans le cas d’un transfert de détenu, quelles sont les règles applicables et qu’advient-il de la révision de la détention.

45.    De même concernant l’appréciation de la légalité manifeste de la « décision » de l’État hôte à décliner l’acceptation du transfert des trois témoins détenus sous leur responsabilité, je relèverai :

(a) Qu’il faudrait déterminer la nature exacte de cette décision.

(b) Qu’à mon sens, en substance, cette décision a pour but d’empêcher les trois témoins détenus de pénétrer irrégulièrement sur le territoire de l’État hôte. Je rajouterai que la situation des trois témoins détenus est particulière en ce sens qu’ils se situent actuellement au centre de détention des Nations Unies, donc hors du territoire juridictionnel des Pays-Bas.

(c) Qu’ainsi, cette décision peut s’apparenter en une décision de détention des autorités néerlandaises mais avec la particularité que la garde associée à cette détention est confiée à la CPI.

(d) Que cette détention entre dans la liste limitative de cas où une détention peut être considérée comme légale, dès lors que la procédure suivie l’est aussi. Sur ce point, je soulignerais simplement l’article 5-1-f de la CSDH : « 1.  […] Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours ».

(e) Qu’il faudrait alors vérifier si la CPI peut légalement assurer cette garde sur cette base.

(f) Qu’il faudrait s’assurer de la procédure à suivre eu égard au droit de recours pour s’assurer de la légalité de cette détention. À mon sens, puisque l’État hôte serait responsable de cette détention, il appartiendrait à ses juridictions d’assurer ce rôle, ce qui impliquerait un contrôle de la CEDH.

46.    Enfin, si l’illégalité de la garde des trois témoins détenus venait à être constatée, que se passerait-il ?

(1) En cas d’illégalité de cette garde due à l’illégalité manifeste de la détention en RDC, ils devraient être immédiatement libérés du centre de détention des Nations Unies. De fait, ils seraient alors sous l’entière responsabilité de l’État hôte qui devrait choisir entre les détenir ou les renvoyer en RDC - sous un contrôle total de la CEDH - en attendant le règlement de leur procédure d’asile.

(2) En cas d’illégalité de cette garde due à l’illégalité manifeste de la décision de l’État hôte, la Chambre devrait ordonner leur renvoi immédiat en RDC. À ce titre, la CPI pourrait déclarer sans ambiguïté qu’elle reconnaît l’entière responsabilité des Pays-Bas, en vertu du principe de non-refoulement, d’évaluer pleinement s’il leur appartient de mettre en œuvre ce principe et de ne pas exécuter ce renvoi s’il serait contraire aux droits de l’homme dont les Pays-Bas doivent assurer la protection et que la CPI reconnait à ce titre la compétence de la CEDH à effectuer un contrôle total des décisions des autorités néerlandaises à cet égard, ce rôle n’appartenant pas à la CPI.

 

Conclusion.

 

47.    Alors que la présence des trois témoins détenus au centre de détention des Nations Unies entame le budget restreint de la Cour (elle pourrait être estimée à 650 000 € euros par année[179]), la question de leur détention et d’une protection réelle de leurs droits s’avèrent plus pressée.

Bien que la Décision du 1er octobre 2013 puisse faire l’objet de critiques et que la position retenue par les juges de la Chambre puisse être contestée, il ne faut pas oublier la situation difficile dans laquelle ces derniers ont été placés. Leur souci de s’être efforcé de parvenir à une solution juridique respectueuse des droits de l’homme internationalement reconnus doit être salué et encouragé, alors même que les pressions politiques d’États parties au Statut à l’encontre de la CPI se font fortes, banalisées et irrespectueuses.

Maintenant que le conseil de permanence des trois témoins détenus a interjeté appel de la Décision du 1er octobre 2013 et a déposé son mémoire d’appel, c’est entre les mains de la Chambre d’appel que ce jouera leur sort.

Bien des questions sont soulevées par cette affaire des témoins détenus, parmi lesquelless le programme de protection des témoins de la CPI et son adéquation aux témoins détenus, la sincérité ou l’opportunisme des États dans leur coopération avec la Cour. Encore une fois, n’en demande-t-on pas trop à cette Cour qui porte les espoirs et les rêves de la communauté internationale ?

En effet, au fond, l’affaire des témoins détenus met en lumière la question de la protection des droits de l’homme en RDC. Alors même que le rôle de la CPI est limité au domaine de la justice pénale internationale - certes qui peut apporter son rôle dans la construction d’une paix durable -, où sont les États parties lorsqu’il ne s’agit plus de critiquer cette Cour mais au contraire d’aider au désarmement des milices, à la reconstruction du pays et à la promotion des droits de l’homme ?

 

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Ce billet ne lie que le(s) personne(s) l’ayant écrit. Il ne peut entraîner la responsabilité de la Clinique de droit international pénal et humanitaire, de la Faculté de droit, de l’Université Laval et de leur personnel respectif, ni des personnes qui l’ont révisé et édité. Il ne s’agit pas d’avis ou de conseil juridiques.

 

 

[1] Le Procureur c. Germain Katanga, n° ICC-01/04-01/07-3405, Décision relative à la demande de mise en liberté des témoins détenus DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350, 1er octobre 2013 (CPI) [Décision du 1er octobre 2013].

[2] Le Procureur c. Germain Katanga, n° ICC-01/04-01/07-3405-Anx-tFRA, Décision relative à la demande de mise en liberté des témoins détenus DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350, Opinion dissidente de la juge Christine Van den Wyngaert, 1er octobre 2013 (CPI) [Opinion dissidente].

[3] Depuis le 21 novembre 2012 l’affaire a été disjointe relativement à chaque accusé sur décision des juges de la Chambre (Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-3319, Décision relative à la mise en œuvre de la norme 55 du Règlement de la Cour et prononçant la disjonction des charges portées contre les accusés, 21 novembre 2012 (CPI)). Mme la juge Christine Van den Wyngaert, bien qu’ayant joint une opinion dissidente à cette décision, a exprimé son accord sur la disjonction de la procédure (Ibid., dispositif, p. 32.).

[4] Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-3003, Décision sur une requête en amicus curiae et sur la « requête tendant à obtenir présentations des témoins DRC-D02-P-0350, DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 aux autorités néerlandaises aux fins d’asile » (articles 68 et 93-7 du Statut), 9 juin 2011, par. 1 (CPI) [Décision du 9 juin 2011].

[5] Décision du 9 juin 2011, par. 2. À noter que la version publique expurgée est datée du 3 mai 2011.

[6] Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3360-Red2, Defence Response to Amicus Curiae Observations by mr. Schüller and mr. Sluiter, Counsel in Dutch asylum proceedings of witnesses DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 and DRC-D02-P-0350, 20 mars 2013, par. 11 (CPI) ; Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3358, Amicus Curiae Observations by mr. Schüller and mr. Sluiter, Counsel Dutch asylum proceedings of witnesses DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 and DRC-D02-P-0350, 14 mars 2013, par. 21 (CPI) [Amicus Curiae Observations du 14 mars 2013].

[7] Ces trois noms sont connus du public ; voir notamment : Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3351-Anx2, Requête en mainlevée de la détention des témoins DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350, Annexe 2, 4 février 2013 (CPI). Ils ont été ou sont toujours tous trois des membres éminents du Front des nationalistes intégrationnistes (FNI), une milice opérant en Ituri dans l’est de la RDC.

[8] Amicus Curiae Observations du 14 mars 2013, par. 27.

[9] Maître Ghislain Mabanga Monga Mabanga a été désigné le 1er mars 2011 par le Greffe afin de fournir assistance aux trois témoins détenus (Décision du 9 juin 2011, par. 5).

[10] Ibid., introduction p. 4.

[11] Amicus Curiae Observations du 14 mars 2013, par. 4.

[12] Fabrice Bouquet, « Trial Chamber II, Situation in the Democratic Republic of the Congo, In the case of The Prosecutor v. Germain Katanga and Mathieu Ngudjolo Chui, “Decision on an Amicus Curiae application and on the ‘Requête tendant à obtenir présentations des témoins DRC-D02-P-0350, DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 aux autorités néerlandaises aux fins d’asile’” » (2011) 19 ADC-ICTY Newsletter, p. 6 à 8.

[13] Décision du 9 juin 2011, par. 61.

[14] Ibid., par. 62 et 63.

[15] Ibid., par. 64.

[16] Ibid., par. 74.

[17] Ibid., par. 73.

[18] Ibid., par. 65.

[19] Ibid., par. 67 à 69.

[20] Ibid., par. 73.

[21] Ibid., par. 80 à 81.

[22] Ibid., par. 85.

[23] Ibid., par. 83 à 85.

[24] L’article 82-1-d du Statut permet aux parties d’interjeter appel d’une décision dite interlocutoire, c’est-à-dire ne tranchant pas l’affaire au fond, sur autorisation de la chambre ayant rendu cette décision.

[25] Noter qu’il semble bien y avoir une erreur sur cette demande datée elle aussi du 15 juin 2011 : la date d’enregistrement précisée sur la demande est bien le 16 juin 2011, ce que la Chambre confirme dans ces écritures (Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07- 3073, Décision relative à trois demandes d’autorisation d’interjeter appel de la Décision ICC-01/04-01/07-3003 du 9 juin 2011, 14 juillet 2011, par. 2 et note 6 (CPI)).

[26] Ibid., par. 7.

[27] Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07- 3033-tFRA, Décision relative à la sécurité de trois témoins détenus ayant comparu devant la Cour (article 68 du Statut de Rome), et Ordonnance visant à obtenir la coopération et l’aide de la République démocratique du Congo aux fins d’assurer leur protection en application de l’article 93-1-j du Statut, 22 juin 2011, par. 41 (CPI).

[28] Fabrice Bouquet, « Trial Chamber II, Situation in the Democratic Republic of the Congo, In the case of The Prosecutor v. Germain Katanga and Mathieu Ngudjolo Chui, “Decision on the security situation of three detained witnesses in relation to their testimony before the Court (art. 68 of the Statute) and Order to request cooperation from the Democratic Republic of the Congo to provide assistance in ensuring their protection in accordance with article 93(1)(j)” » (2011) 18 ADC-ICTY Newsletter, p. 4 à 5.

[29] Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-3128-tFRA, Décision relative à la sécurité des témoins DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350, 24 août 2011, par. 15 à 17 (CPI).

[30] Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-3254-tFRA, Décision relative à la requête urgente aux fins de convocation d’une conférence de mise en état concernant la détention des témoins DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350, 1er mars 2012, par. 9 à 11 (CPI).

[31] Ibid., par. 11.

[32] Ibid., par. 21.

[33] Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-3303, Ordonnance relative aux requêtes du conseil de permanence relatives à la détention des témoins DRC-D02, P-0236, DRC-D02-P0228, et DRC-P02-P-0350, 1er juin 2012, par. 14 (CPI).

[34] Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-3078, Ordonnance relative aux conditions de détention des témoins détenus, 15 juillet 2011 (CPI).

[35] Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3351, Requête en mainlevée de la détention des témoins DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350, 4 février 2013, par. 54 (CPI).

[36] Décision du 1er octobre 2013, par. 12.

[37] Ibid.

[38] Au mieux de notre connaissance.

[39] Amicus Curiae Observations du 14 mars 2013, par. 4.

[40] Djokaba Lambi Longa v. The Netherlands (déc.), n° 33917/12, 9 octobre 2012, par. 32 [CEDH, Djokaba Lambi Longa].

[41] Amicus Curiae Observations du 14 mars 2013, par. 4.

[42] Ibid.

[43] Article premier - Définition du terme « réfugié » : « F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés ; c) Qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ».

[44] Au moins pour deux des trois témoins détenus (CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 35 ; Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3351-Anx12, Requête en mainlevée de la détention des témoins DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350, Annexe 12, 4 février 2013, p. 3 et 4 (CPI)).

[45] Amicus Curiae Observations du 14 mars 2013, par. 4. L’article 3 de la CSDH, intitulé « Interdiction de la torture », dispose que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

[46] Délai de 6 mois donné par le tribunal de district de La Haye dans sa décision du 28 décembre 2011 (CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 33).

[47] Amicus Curiae Observations du 14 mars 2013, par. 5.

[48] Au vu du dernier mémoire déposé par le conseil de permanence, la situation ne semble pas avoir évoluée (Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3411, Mémoire en appui de l’ “Acte d’appel des témoins DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350 contre la ‘Décision relative à la demande de mise en liberté des témoins détenus DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350’ rendue par la Chambre de première instance II en date du 1er octobre 2013 (ICC-01/04-01/07-3405)” (ICC 01/04 01/07 3408), 9 octobre 2013 (CPI)), même si le délibéré aurait dû se situer aux alentours du 3 juin 2013 (Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3374, Information sur l’instruction de l’appel des témoins DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 et DRC-D02-P-0350 devant la Cour de district d’Amsterdam, 24 mai 2013, par. 3 (CPI)).

[49] CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 38 ; Amicus Curiae Observations du 14 mars 2013, par. 15.

[50] Ibid.

[51] Ibid.

[52] Ibid., par. 17.

[53] Un membre influent de l’Union des patriotes congolais (UPC) (CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 3).

[54] CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 9.

[55] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2745, Requête tendant à l’obtention des mesures de protection spéciales au profit du témoin DRC-D01-WWWW-0019, 1er juin 2011, par. 1 (CPI) [Requête du 1er juin 2011].

[56] Requête du 1er juin 2011, par. 5.

[57] Ibid., par. 7.

[58] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2766-Red-tFRA, Décision relative à la requête de DRC‐D01‐WWWW‐0019 aux fins de mesures de protection spéciales dans le cadre de sa demande d’asile, Version expurgée, 5 août 2011, par. 15 à 17 (CPI) [Décision du 4 juillet 2011, cette dénomination reflète la date de la décision dans sa version non expurgée].

[59] Requête du 1er juin 2011, par. 27.

[60] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2749-tFRA, Ordonnance relative à la demande présentée le 1er juin 2011 par le témoin DRC-D01-WWWW-0019, 3 juin 2011, par. 7.

[61] Décision du 4 juillet 2011, par. 83, 84 et 86 (voir supra note 58).

[62] Ibid., par. 68.

[63] Ibid., par. 87.

[64] Ibid., par. 86.

[65] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2779-tFRA, Décision concernant deux demandes d’autorisation d’interjeter appel de la Décision relative à la requête de DRC‐D01‐WWWW‐0019 aux fins de mesures de protection spéciales dans le cadre de sa demande d’asile, 4 août 2011, par. 4 à 5 (CPI) [Décision du 4 août 2011].

[66] Décision du 4 août 2011, par. 11 à 14.

[67] Article 64 du Statut : « 6. Dans l’exercice de ses fonctions avant ou pendant un procès, la Chambre de première instance peut, si besoin est : […] f) Statuer sur toute autre question pertinente. ».

[68] Voir pour le raisonnement de la Chambre de première instance I : Décision du 4 août 2011, par. 15 à 24.

[69] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2799-tFRA, Décision relative à la Demande urgente d’instructions présentée par le Royaume des Pays-Bas le 17 août 2011, 26 août 2011, par. 7 à 8 (CPI).

[70] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2785-tFRA, Ordonnance relative au rapport du Greffier concernant l’exécution de la décision ICC‐01/04‐01/06‐2766‐Conf, 15 août 2011, par. 10.

[71] Ibid.

[72] À noter que la version publique expurgée de cette décision est datée du 25 octobre 2011.

[73] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2804-Red-tFRA, Ordonnance relative à la requête aux fins de réexamen de l’ordonnance ICC‐01/04‐01/06‐2785‐Conf, Version expurgée, 25 octobre 2011, par. 13 (CPI).

[74] Ibid., par. 13 à 15.

[75] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2835-tFRA, Décision faisant suite aux observations présentées par les conseils représentant le témoin 19 de la Défense dans le cadre de la procédure de demande d’asile engagée devant les autorités néerlandaises, 15 décembre 2011, par. 19 à 20 (CPI).

[76] Au mieux de notre connaissance.

[77] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2827-tFRA, Observations déposées en qualité d’amicus curiae par MM. Schüller et Sluiter, conseils du témoin 19 dans le cadre de la procédure relative à sa demande d’asile aux Pays‐Bas, 23 novembre 2011, par. 4 (CPI) [Observations du 23 novembre 2011].

[78] Observations du 23 novembre 2011, par. 8.

[79] CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 31.

[80]CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 27 à 28. Voir aussi Observations du 23 novembre 2011, par. 9, bien qu’il ne ressorte pas clairement qu’il s’agisse d’un appel.

[81] CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 29 à 30.

[82] La CEDH peut rendre des « décisions », portant uniquement sur la question de la recevabilité de l’affaire, et des « arrêts » qui ont trait à la fois à la recevabilité et au fond.

[83] CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 84.

[84] Ibid., par. 56 à 58.

[85] Ibid., par. 75.

[86] Assemblée des États Parties, ICC-ASP/12/9, Rapport sur l’exécution des programmes et sur les activités de la Cour pénale internationale pour l’année 2012, 4 juin 2013, par. 122 et 161.

[87] Amicus Curiae Observations du 14 mars 2013, par. 10.

[88] Ibid., par. 18 à 19.

[89] Ibid.

[90] Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, n° ICC-01/04-01/07-3023, Demande d’autorisation d’interjeter appel de la Décision  sur une requête en amicus curiae et sur 1a « requête tendant à obtenir présentations des témoins DRC-D02-P-0350, DRC-D02-P-0236, DRC-D02-P-0228 aux autorités néerlandaises aux fins d’asile », 15 juin 2011, par. 2 (CPI).

[91] Décision du 9 juin 2011, par. 68.

[92] La protection accordée varie en fait suivant les dispositions considérées : voir la Convention de Genève (article 33 ; protection de la vie et de la liberté en cas de menace basée sur des motifs discriminatoires), la Déclaration des Nations Unies sur l’asile territorial (article 3 ; protection contre les persécutions), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, la Convention américaine sur les droits de l’homme du 22 novembre 1969 (article 22-8 ; protection contre les risques de violation des droits à la vie et à la liberté individuelle pour des motifs discriminatoires), la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000 (article 19-2 ; protection contre la peine de mort, la torture et les traitements inhumains ou dégradants), la Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique du 10 septembre 1969 (article 2-3 ; protection de la vie, de l’intégrité corporelle et de la liberté en cas de crainte de persécution basée sur des motifs discriminatoires).

[93] Cependant, il pourrait être soutenu que son applicabilité tend à être universelle, de nombreuses juridictions internationales, régionales et nationales faisant application directe ou indirecte de sa jurisprudence. Ainsi, nous pouvons lire : « À l’instar du TPIY et du TPIR, la Cour pénale internationale […] a cité et invoqué à de nombreuses reprises la jurisprudence de votre Cour […] les juridictions pénales internationales comme le TPIY et la CPI ont une dette envers vous.

La minutie dont vous faites preuve dans chaque affaire a produit une jurisprudence qui s’est révélée inestimable à nos yeux pour ce qui est d’interpréter les garanties procédurales inscrites dans nos propres statuts et de veiller à ce que cette nouvelle ère de responsabilité individuelle repose sur les principes de l’équité et de la régularité de la procédure » (Theodor Meron, « Les principes des droits de l’homme dans la jurisprudence des juridictions pénales internationales » dans Conseil de l’Europe, CEDH, Dialogue entre les juges, 2013, 38, à la page 41).

[94] À noter que la DUDH ne prévoit qu’un recours devant une juridiction nationale.

[95] Salduz c. Turquie [GC], n° 36391/02, 27 novembre 2008, par. 51.

[96] Voir supra, par. 6.

[97] Voir supra, par. 10.

[98] Décision du 1er octobre 2013, par. 17.

[99] Ibid., par. 34 et 35.

[100] Ibid., par. 26.

[101] Ibid., par. 25.

[102] Ibid., par. 22.

[103] Ibid., par. 26.

[104] Ibid., par. 27.

[105] Ibid., par. 24.

[106] Ibid., par. 21 et 26.

[107] Ibid., par. 27.

[108] Ibid., par. 28.

[109] Ibid., par. 30.

[110] Ibid., par. 33.

[111] Ibid., par. 33.

[112] Ibid., par. 34.

[113] Ibid., par. 35.

[114] Opinion dissidente, par. 19.

[115] Ibid., par. 5.

[116] Ibid., par. 19.

[117] Ibid., par. 6.

[118] Ibid., par. 8.

[119] Ibid., par. 9.

[120] Ibid., par. 18.

[121] Ibid., par. 16.

[122] Ibid.

[123] Ibid., par. 17.

[124] Ibid., par. 24 à 25.

[125] Voir supra par. 18.

[126] Une « Haute partie contractante » selon les termes de la CSDH.

[127] Saadi c. Italie [GC], n° 37201/06, 28 février 2008, par. 125.

[128] En vertu de l’article 39 du Règlement de la CEDH.

[129] Voir pour des exemples récents de constat de violation : I.M. c. France, n° 9152/09, 2 février 2012 ; Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], n° 27765/09, 23 février 2012 ; M. A. c. Chypre, n° 41872/10, 23 juillet 2013.

[130] Douwe Korff, Le droit à la vie : Un guide sur la mise en œuvre de l’article 2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, Conseil de l’Europe, Précis sur les droits de l’homme n° 8, 2007, p. 87 à 93.

[131] Voir par exemple pour des exemples de violation : Garabaïev c. Russie, n° 38411/02, 7 juin 2007 ; Popov c. France, nos 39472/07 et 39474/07, 19 janvier 2012 ; Mathloom c. Grèce, n° 48883/07, 24 avril 2012 ; Zokhidov c. Russie, n° 67286/10, 5 février 2013 ; Aden Ahmed c. Malte, n° 55352/12, 23 juillet 2013 ; M. A. c. Chypre, n° 41872/10, 23 juillet 2013.

[132] Othman (Abu Qatada) c. Royaume-Uni, n° 8139/09, 17 janvier 2012, dispositif par. 5 p. 87.

[133] À ce titre, je note que le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, sur la question du délai de règlement de la procédure de demande d’asile, fait savoir : « qu’on ne pouvait exclure qu’elle soit suivie de recours devant la Cour Européenne des droits de l’Homme » (Décision du 1er octobre 2013, par. 14). Ce qui ne veut pas dire qu’il reconnait la compétence de la CEDH, comme il serait tentant de le croire au premier abord. Bien au contraire, les autorités néerlandaises ont constamment fait valoir que les quatre témoins détenus ne relevaient pas de la juridiction des Pays-Bas (voir par exemple : Décision du 9 juin 2011, par. 50 ; CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 13, 22, 26, 38 ; Décision du 1er octobre 2013, par. 6).

[134] Voir supra, par. 26(1).

[135] À cet égard, je notre que la CEDH souligne particulièrement la situation de vulnérabilité des détenus (voir par exemple : Renolde c. France, n° 5608/05, 16 octobre 2008, para. 83).

[136] Voir supra par. 7.

[137] Ibid.

[138] Voir par exemple : Banković et autres c. Belgique et 16 autres États (déc.) [GC], n° 52207/99, 12 décembre 2001, par. 59 ; Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie [GC], n° 48787/99, 8 juillet 2004, par. 312.

[139] Voir par exemple : Medvedyev et autres c. France [GC], n° 3394/03, 29 mars 2012, par. 64.

[140] Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie [GC], n° 48787/99, 8 juillet 2004, par. 312.

[141] Ibid.

[142] Bosphorus Airways Hava Yollari Turizm Ve Ticaret Anonim Şirketi c. Irlande [GC], n° 45036/98, 30 juin 2005, par. 152 [Bosphorus Airways c. Irlande].

[143] Ibid., 154.

[144] Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie [GC], n° 48787/99, 8 juillet 2004, par. 313.

[145] Ibid.

[146] CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 70 à 71 ; la CEDH rappelant sa jurisprudence par rapport au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

[147] Ibid., par. 75.

[148] Ibid., par. 72 [notre traduction].

[149] Voir supra par. 18.

[150] CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 75.

[151] Ibid., par. 79.

[152] Ibid., par. 80 [notre traduction].

[153] Voir par exemple : Décision du 9 juin 2011 ; Décision du 4 juillet 2011, par. 84.

[154] Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], n° 27765/09, 23 février 2012, par. 113.

[155] Ibid.

[156] Décision du 1er octobre 2013, par. 21.

[157] Bosphorus Airways c. Irlande, par. 155.

[158] Ibid.

[159] Ibid., par. 157.

[160] Ibid.

[161] Article 3 - Siège de la Cour : « 2. La  Cour  et  l’État  hôte  conviennent  d’un  accord  de  siège  qui  doit  être  approuvé  par l’Assemblée des États Parties, puis conclu par le Président de la Cour au nom de celle-ci ».

[162] Décision du 1er octobre 2013, par. 17.

[163] Ibid., para. 7. L’article 48 de l’Accord de siège dispose que : « 1. Sous réserve du paragraphe 2 du présent article, lorsqu’une personne remise à la Cour est libérée parce que la Cour n’est pas compétente, que l’affaire est irrecevable au

regard des alinéas b), c) ou d) du paragraphe 1 de l’article 17 du Statut, que les charges n’ont pas été confirmées au regard de l’article 61 du Statut, que la personne a été acquittée lors du procès ou en appel, ou pour toute autre raison, la Cour prend, aussitôt que possible, les dispositions qu’elle juge appropriées pour le transfèrement de l’intéressé, en tenant compte de son avis, dans un État qui est tenu de le recevoir, dans un autre État qui l’accepte, ou encore dans un État qui a demandé son extradition avec l’assentiment de l’État qui l’a remis initialement. ».

2.  Lorsqu’elle juge une affaire irrecevable au sens de l'alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 17 du Statut, la Cour prend les dispositions qu’elle juge appropriées pour faire transférer l’intéressé dans l’État dont l’enquête ou les poursuites ont fourni les motifs de l’irrecevabilité,  sauf  si  l’État  qui  avait  initialement  remis  la  personne  à  la  Cour  en demande le retour.

3.  Les dispositions de l’article 44 du présent Accord s’appliquent, mutatis mutandis, au  transfèrement  des  personnes  visées  dans  le  présent  article  sur  le  territoire  de  l’État hôte. ».

[164] Bosphorus Airways c. Irlande, par. 156.

[165] CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 81 [notre traduction].

[166] Décision du 1er octobre 2013, par. 21 [nos soulignés].

[167] Voir supra, dernière partie du par. 37.

[168] Voir supra, par. 35(a).

[169] CEDH, Djokaba Lambi Longa, par. 72 [notre traduction].

[170] Ibid., par. 81 à 83.

[171] Voir par exemple : Décision du 1er octobre 2013, note 40 sous par. 17.

[172] Ibid., par. 22.

[173] Voir supra, par. 33.

[174] Décision du 1er octobre 2013, par. 33 [nos soulignés].

[175] Voir supra, par. 23.

[176] Voir par exemple : Saadi c. Royaume-Uni [GC], n° 13229/03, 28 février 2008, par. 63 : « En examinant le but et l’objet de l’article 5 dans son contexte et les éléments de droit international, la Cour tient compte de l’importance de cette disposition dans le système de la Convention : elle consacre un droit fondamental de l’homme, à savoir la protection de l’individu contre les atteintes arbitraires de l’État à sa liberté » ; El-Marsi c. l’ex-République yougoslave de Macédoine [GC], n° 39630/09, 13 décembre 2012, par. 230.

[177] Ibid.

[178] Voir supra, par. 23.

[179] Il ne s’agit que d’une estimation, basée sur une technique de calcul très basique : coût de la section de détention de la CPI, divisée par le nombre de personnes détenus par la CPI, multipliée par le nombre de témoins détenus dans l’affaire Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui. Le coût de la section de détention de la CPI retenu (1 957 900 €) est celui de 2012 tout comme le nombre de détenus retenu (9), nonobstant l’apparente réinstallation de l’autre témoin détenu en RDC en octobre 2012 et la libération de Mathieu Ngudjolo Chui le 21 décembre 2012 (Assemblée des États Parties, ICC-ASP/12/12, Projet de budget-programme pour 2014 de la Cour pénale internationale, 29 juillet 2013, p. 133).

 

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