Raymond Ouigou Savadogo
Raymond O. Savadogo détient un Baccalauréat en droit avec distinction (major de promotion), une maitrise en droit international et transnational avec distinction et il a servi à titre de Professionnel de recherche et d’assistant d’enseignement en droit international pénal à la Faculté de droit de l’Université Laval. Ancien étudiant de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (Bobo Dioulasso-Burkina Faso), il est intervenu à la Cour pénale internationale comme membre pro bonodu Conseil de la défense de Callixte Mbarushimana jusqu’à sa mise en liberté. Par le biais de la Clinique de droit international pénal et humanitaire, il a également servi comme travailleur contractuel des Outils juridiques de la Cour pénale internationale et a assisté le Conseil des victimes devant les Chambres africaines extraordinaires instituées au sein des tribunaux sénégalais pour juger l’ancien Président tchadien, Hissène Habré. Devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, il a agi à titre d’assistant du Conseil de la défense de Callixte Nzabonimana de même que du Conseil de la défense des personnes acquittées, à savoir André Ntagerura, Jérôme Clément Bicamumpaka, Gratien Kabiligi et Casimir Bizimungu aux fins de leur réinstallation dans des pays d’accueil. Reçu en 2010 comme stagiaire au Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) et engagé plus tard comme « enquêteur terrain associé » pour une étude Afrobaromètre sur l’éducation citoyenne à la démocratie et aux droits humains, Raymond est passionné du droit international pénal, du droit international humanitaire et du droit international des droits de la personne. Il est aussi récipiendaire de plusieurs honneurs et distinctions et a également représenté l’Université Laval à la 25ème édition du Concours international de droit international humanitaire (Concours international Jean Pictet) qui s’est tenue en Thaïlande en mars 2013. Sa thèse de doctorat portera sur la poursuite des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide devant les juridictions africaines. Suivez-le sur Twitter : @raysava.
Six mois après la mise en marche du « mécanisme des restants », qui assurera les fonctions résiduelles du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), l’agence Hirondelle News avait rapporté que
[p]lus de 50 000 personnes soupçonnées d’avoir joué un rôle dans le génocide des Tutsis de 1994 sont encore libres dans plusieurs pays africains et européens, selon le Parquet général du Rwanda. La justice rwandaise a émis des mandats d’arrêt contre seulement 146 de ces suspects, mais elle affirme travailler sur les dossiers des autres.
Faut-il le rappeler, l’idée qui sous-tendait la création du TPIR a été celle de punir à défaut de prévenir. Plus optimiste encore, on a cru, vaille que vaille, pouvoir réparer le mal par la justice. Mais l’a-t-on vraiment réparé quand plus de 50 000 fugitifs serpentent çà et là à travers plusieurs États pour échapper au glaive de la justice ?
Le bilan actuel est le suivant : les tribunaux gacaca ont permis de juger près de 2 millions de personnes. Quant au TPIR et maintenant le Mécanisme résiduel, ils sont en phase de compléter à ce jour 74 affaires, dont 45 affaires complétées, 17 au stade d’appel , 2 remises en liberté, 12 acquittements, un décès avant procès, un autre pendant le procès et un autre après le procès. Dans le cadre de la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal, 4 affaires ont été renvoyées devant les instances pénales nationales, notamment au Rwanda et en France.
En toute évidence et dans une perspective de mise en balance par rapport aux 50 000 personnes suspectées, ce bilan n’est qu’une minuscule goute d’eau dans le vase. Soit; mais le TPIR a d’une part, contribué à panser un tant soit peu la plaie du génocide rwandais en choisissant de poursuivre les hauts gradés et, d’autre part, il a stimulé, incité et attiré l’attention des États, mais aussi de la communauté internationale, sur la nécessité aiguë de rendre justice. Dès lors, ces derniers s’empressent désormais à poursuivre les présumés responsables en dépit des coûts effarants que cela engendre. Pour preuve, poursuit l’agence Hirondelle News, « [p]lusieurs pays européens comme la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Finlande, la Suède et la Norvège, ont déjà envoyé des commissions d’enquête à Kigali pour recueillir des éléments d'information sur des Rwandais vivant sur leur territoire ». Quant au Canada, il a longtemps fait preuve de bon élève en matière de poursuites nationales des auteurs présumés du génocide rwandais en poursuivant Désiré Munyaneza et Jacques Mugwarere devant ses propres juridictions même si Léon Mugesera s’est vu extirpé du Canada. Pendant ce temps, le parquet américain de Kansas lançait des poursuites à l’encontre de Lazare Kobagaya pour son rôle présumé dans le génocide. En sus, des poursuites ont déjà été engagées contre Yvonne Ntacyobatabara au Pays-Bas, Sadi Bugingo en Norvège, un autre en Suède, et François Bazaramba a écopé d’une prison à perpétuité devant la Cour suprême finlandaise. Dans les quatre horizons, l’on s’insurge désormais contre l’impunité des crimes de masse tel le génocide. Pour ça, le TPIR peut – ou plus encore – doit s’enorgueillir ! On a donc de quoi voir le verre à moitié plein.
Toute chose qui confirme le pari de la professeure Fannie Lafontaine qui prédisait lors d’une conférence que l’avenir du droit international pénal, c’est le renforcement des lois nationales et des tribunaux nationaux pour que les accusés puissent être jugés chez eux ou ailleurs, mais loin d’une justice internationale pénale incarnée par un tribunal international qui coûte cher et est loin du terrain des hostilités.