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Quelle place est octroyée à la protection des droits des accusés durant la 15e Assemblée des États Parties à la Cour pénale internationale ?

Justine Levasseur

Justine Levasseur a complété sa Licence en droit civil (L.L.L.) à l’Université d’Ottawa dans le programme coopératif en plus de sa formation professionnelle de l’École du Barreau du Québec au centre d’Ottawa. Elle a participé à deux reprises (sessions d’automne 2014 et d’hiver 2015) aux activités de la Clinique de droit international pénal et humanitaire en soutien aux travaux de l’organisme international Human Rights Watch pour le respect des droits des victimes des crimes commis sous le régime d’Hissène Habré au Tchad et à plusieurs mandats en droit de l’immigration au Canada. Justine est actuellement candidate à la maîtrise en droit avec mémoire à l’Université Laval et étudiante à la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux. Ayant un grand intérêt pour la défense et les droits des accusés, elle consacre ses travaux de recherche de mémoire à la défense d’incapacité mentale en droit international pénal. Ses champs d’intérêt en matière de recherche sont principalement reliés à la protection des droits des accusés et des garanties fondamentales. Enfin, son autonomie et sa débrouillardise ne font que refléter sa grande volonté à explorer une panoplie de sujets dans le domaine de la justice internationale pénale.

https://www.cdiph.ulaval.ca/sites/cdiph.ulaval.ca/files/justine_levasseur.jpg
Nom de famille: 
Levasseur
Prénom: 
Justine
12 December 2016

Lors de la 15e Assemblée des États Parties (AÉP) au Statut de Rome– évènement tenu annuellement à La Haye ou à New York pour prendre des décisions afin d’administrer la Cour pénale internationale (ci-après la « Cour ») –, la majorité des États ont réaffirmé leur volonté de soutenir la Cour dans sa lutte contre l’impunité. Il s’agit effectivement d’un objectif hautement honorable pour lequel quiconque ne peut être en désaccord. Cependant, cette lutte contre l’impunité ne peut se réaliser qu’en rendant la justice. De plus, la Cour « ne peut rendre la justice et remplir son obligation d’exemplarité qu’en assurant scrupuleusement le respect des droits de la Défense, du droit à un procès équitable et du principe de la présomption d’innocence »[1]. Mais qui s’exprime au nom des accusés devant l’AÉP ?

Dans ce billet de blogue, nous constaterons la place qui est accordée à la protection des droits des accusés, analysée en parallèle avec la volonté de lutter contre l’impunité. Nous verrons que la lutte contre l’impunité doit s’opérer dans le respect des droits des accusés, dont celui d’être reconnu innocent jusqu’à preuve du contraire, et nous suggèrerons, comme il l’a été suggéré durant l’AÉP, de créer un espace de dialogue entre l’Association du Barreau près la Cour pénale internationale et les États Parties au Statut de Rome.

 

La lutte contre l’impunité et les droits des accusés

L’impunité peut être défini comme (ici) :

[l]'absence en droit ou en fait, de la mise en cause de la responsabilité pénale des auteurs des violations des droits de l'homme, ainsi que leur responsabilité civile, administrative ou disciplinaire, en ce qu'ils échappent à toute enquête tendant à permettre leur mise en accusation, leur arrestation, leur jugement, et, s'ils sont reconnus coupables, leur condamnation à des peines appropriées, y compris à réparer le préjudice subi par les victimes.

Sommairement, la lutte contre l’impunité est donc, devant la Cour, le fait de juger une personne et d’imposer une punition pour la responsabilité découlant de la commission d’un crime de droit international pénal. L’impunité se concrétise dans la recherche de la vérité et dans le respect des garanties fondamentales des droits de l’accusé, qui, celles-ci, sont assurées par la Défense.

Il est faux de croire que la défense exerce une lutte contre la lutte contre l’impunité. Nous pensons que cet objectif de rendre justice doit s’effectuer sans attente vis-à-vis du verdict. Nous nous désolons de la déclaration de la Finlande faite le 16 novembre 2016 lors du débat général qui a souligné « the sentencing of Jean Pierre Bemba Gombo to imprisonment ». Ces propos peuvent sembler soutenir l’idée que la justice est rendue lorsqu’un verdict de culpabilité est prononcé, car ce serait par ce verdict et, conséquemment, par l’imposition de la peine corrélative que l’on triompherait sur l’impunité. Oui, il est possible que sur le fond et la forme ce jugement rende justice. Cependant, la justice doit être rendue sans égard au résultat final.

La justice est également rendue dans le respect des garanties fondamentales. L’une des garanties fondamentales à un procès équitable est celle de la présomption d’innocence codifiée à l’article 66 du Statut de Rome. Bien que les tribunaux internationaux disent appliquer les plus hautes normes internationales en matière de garanties judiciaires, le rôle des avocats de la défense demeure primordial pour s’en assurer. La CPI a de grandes chaussures à porter dans la mesure où elle doit faire preuve d’exemplarité en cette matière. On ne peut pas dire que cette exemplarité a été rencontrée dans l’affaire Ngudjolo alors que la Cour s’exprime ainsi : « Dès lors, déclarer qu’un accusé n’est pas coupable ne veut pas nécessairement dire que la Chambre constate son innocence. Une telle décision démontre simplement que les preuves présentées au soutien de la culpabilité ne lui ont pas permis de se forger une conviction “au-delà de tout doute raisonnable” » (para 36). Cette citation dément la présomption d’innocence puisque la Cour n’a jamais besoin de constater l’innocence d’un accusé : celle-ci est présumée, d’emblée, de plein droit et sans qu’aucune preuve n’ait besoin d’être présentée.

Rappelons qu’en droit international pénal, des décisions judiciaires où les droits des accusés ont été bâclés ont déjà été rendues. Lors d’une rencontre informelle avec la délégation du Partenariat canadien pour la justice internationale organisée dans le cadre de la 15e AÉP, Richard Dicker a mentionné à ce sujet les irrégularités concernant le respect des droits de l’homme et des droits de l’accusé devant le Tribunal spécial irakien durant le procès de Saddam Hussein.

À titre d’indicatif de la place octroyée aux droits des accusés durant l’AÉP, nous notons que la résolution omnibus ne contient que deux mentions à ce sujet. La première mention concerne le désir de préserver l’intégrité de la procédure judiciaire et les droits des accusés (para 8) et la deuxième consiste en un consensus obtenu au sujet de l’importance « [of] the effectiveness of proceedings of the Court [which] is essential to the rights of victims and those of the accused, the credibility and authority of the institution and the promotion of the universality of the Statute » (para 75). Cela paraît, à première vue, être encourageant dans la mesure où la disposition encourage la réduction de la longueur des procès et le respect du droit des accusés à être jugé dans un délai raisonnable.

En guise de conclusion, les délégations étatiques qui participent à l’AÉP devraient, à notre sens, s’exprimer autant au nom de gouvernements, de victimes que d’accusés (qui peuvent être leurs ressortissants respectifs). Par contre, représenter la voix des accusés semble loin d’être la tendance. C’est pour cette raison qu’il faudrait, selon nous et tel que suggéré par une participante à l’évènement tenu en parallèle à l’AÉP intitulé « An Introduction to the ICC Bar Association: The new voice for the legal profession » (ici, ici et ici), que l’Association du Barreau de la Cour pénale internationale puisse intervenir durant les discussions formelles de la prochaine AÉP. Créer une tribune devant l’AÉP pour permettre à la défense de faire respecter l’égalité des armes s’avère crucial.

 

L’auteure a assisté à la 15e Assemblée des États Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale au sein de la délégation du Partenariat canadien pour la justice internationale soutenue financièrement par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Ce billet ne lie que la ou les personne(s) l’ayant écrit. Il ne peut entraîner la responsabilité de la Clinique de droit international pénal et humanitaire, de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux, de la Faculté de droit, de l’Université Laval et de leur personnel respectif, ni des personnes qui l’ont révisé et édité. Il ne s’agit pas d’avis ou de conseil juridiques.

 


[1] Claire Fourçans, « Les droits de la défense devant la Cour pénale internationale » (2013) 3 La Revue des droits de l’homme, à la p. 7.

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